L’avocat britannique Karim Khan a été investi mercredi nouveau procureur général de la Cour pénale internationale (CPI), avec la promesse de « faire revivre » la juridiction après une série d’acquittements retentissants.
Karim Khan,
qui hérite d’une pile de dossiers concernant des enquêtes épineuses, notamment
dans les territoires palestiniens, en Afghanistan et aux Philippines, a déploré
que la CPI, basée à La Haye, ait prononcé « si peu » de condamnations.
Le
Britannique est devenu le troisième procureur général de la juridiction, créée
en 2002 pour juger les pires atrocités dans le monde. Élu pour neuf ans, le
procureur général est chargé d’ouvrir des enquêtes et de porter les accusations
contre les suspects.
Karim Khan,
51 ans, a pris le relais de la Gambienne Fatou Bensouda, arrivée au terme de
son mandat, saluée pour avoir élargi l’étendue du travail de la CPI mais qui a
également essuyé plusieurs revers cuisants comme l’acquittement de l’ancien
président ivoirien Laurent Gbagbo.
Karim Khan a
déclaré vouloir « construire sur le terrain solide » laissé par Fatou Bensouda,
« mais aussi réparer ce qui est cassé, dynamiser, revitaliser dans la quête
d’une plus grande efficacité et d’un plus grand impact ».
Ancien sous-secrétaire général des
Nations Unies
« Nous ne
pouvons pas investir autant, nous ne pouvons pas susciter autant d’attentes et
obtenir si peu si souvent en salle d’audience », a-t-il affirmé après sa
prestation de serment.
Spécialiste
des droits humains, Karim Khan avait été élu en février à New York par les
États parties au Statut de Rome, texte fondateur de la CPI.
Il occupait
auparavant le poste de sous-secrétaire général des Nations Unies, où il a été
chargé de diriger l’enquête spéciale de l’ONU sur les crimes du groupe
djihadiste Etat islamique.
Il est
également intervenu du côté de la défense dans de nombreux procès devant la
CPI, notamment pour Seif al-Islam, un fils de l’ex-dirigeant libyen Mouammar
Kadhafi.
Des « crimes médiévaux » commis au
XXIe siècle
Des dossiers
complexes attendent le successeur de Fatou Bensouda, notamment des demandes
d’autorisation d’enquête en Ukraine, au Nigeria et sur la guerre antidrogue aux
Philippines.
Mais les
dossiers les plus sensibles politiquement dont il aura la responsabilité se
concentrent sur le conflit israélo-palestinien et des crimes de guerres
présumés commis par des soldats américains en Afghanistan.
L’administration
du président américain Donald Trump avait imposé des sanctions à l’encontre de
Fatou Bensouda à cause de ces deux affaires. Ces sanctions ont depuis été
levées, mais les relations avec les États non-membres de la CPI comme Israël et
les États-Unis restent difficiles.
Karim Khan a
tendu la main aux pays non-membres, dont font également partie la Russie, la
Chine et la Birmanie, souhaitant les inclure dans son « engagement dans cette
quête commune de justice ». Il a cependant averti qu’il accomplirait son
travail « sans crainte ni faveur ».
Au XXIe
siècle, à l’heure du tourisme dans l’espace et des voyages vers Mars, des «
crimes médiévaux » sont encore commis, « un terrible témoignage des horreurs de
l’humanité », a-t-il dénoncé.
CPI accusée d’être partiale
Depuis sa
création, diverses critiques ont été faites à la CPI et à son fonctionnement :
partialité présumée, tendance à se focaliser sur des enquêtes en Afrique,
salaires élevés des juges, durée des procès.
« La CPI est
dans une phase cruciale », critiquée pour ne pas avoir été «aussi efficace que
les États parties le souhaitaient», estime Carsten Stahn, professeur de droit
pénal international à l’Université de Leyde aux Pays-Bas.
Fatou
Bensouda laisse derrière elle un bilan mitigé. Sous son mandat, Laurent Gbagbo
a été acquitté de crimes de guerre en Côte d’Ivoire, l’ancien président
congolais Jean-Pierre Bemba a été acquitté en appel et les poursuites contre le
président kényan Uhuru Kenyatta ont été abandonnées.
Mais elle a
également enregistré des succès notables comme la condamnation de Dominic
Ongwen, enfant-soldat ougandais devenu un commandant de la brutale rébellion de
l’Armée de résistance du Seigneur, ainsi que la condamnation de l’ex-chef de
guerre congolais Bosco Ntaganda.
Dans sa
déclaration d’adieux, Fatou Bensouda a assuré que tout au long de son mandat,
elle avait pris ses décisions « avec soin, mais sans crainte ni faveur. Même
face à l’adversité. Même à un coût personnel considérable ».
Avec Agence France Presse (AFP)