La France restitue solennellement mardi au Bénin 26 œuvres des trésors royaux d'Abomey pillés au XIXe siècle par les troupes coloniales, un "moment historique de fierté nationale" pour les autorités béninoises.
Le président français Emmanuel Macron recevra dans la
matinée son homologue béninois Patrice Talon pour finaliser la restitution de
ces 26 trésors conservés jusqu'ici au musée parisien du Quai Branly, et qui
rejoindront le Bénin dès mercredi.
Les ministres de la Culture des deux pays, Roselyne Bachelot
et Jean-Michel Abimbola, signeront l'acte de transfert de propriété de la
France au Bénin, permettant aux œuvres de regagner leur pays après près de 130
ans d'absence.
Cette cérémonie solennelle marque la dernière étape d'un
processus inédit entamé avec la promesse faite en 2017 par M. Macron de
procéder à des restitutions du patrimoine africain en France.
« C'est un moment historique de fierté nationale »,
a déclaré il y a quelques jours M. Abimbola à la télévision béninoise. « Certes,
ce ne sont que 26 œuvres sur des milliers, mais nous démarrons quelque chose
qui ne peut plus s'arrêter », a-t-il dit. « Nous avons amorcé la
pompe et ne désespérons pas de récupérer d'autres œuvres » en Allemagne,
en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis...
Des statues totem de l'ancien royaume d'Abomey exposées au
musée du Quai Branly, le 10 septembre 2021 à Paris© Christophe ARCHAMBAULT Des
statues totem de l'ancien royaume d'Abomey exposées au musée du Quai Branly, le
10 septembre 2021 à Paris
Cette initiative est "un marqueur important pour la
construction d'une nouvelle relation et d’un nouveau regard entre la France et
le continent africain", s'est félicité de son côté l'Elysée.
- « Je peux
mourir en paix » -
Parmi les œuvres restituées figurent des statues totem de
l'ancien royaume d'Abomey ainsi que le trône du roi Béhanzin, pillés lors de la
mise à sac du palais d'Abomey par les troupes coloniales françaises en 1892.
Ces trésors repartiront à bord d'un avion avec Patrice Talon
et leur arrivée sera célébrée mercredi à Cotonou, où ils sont attendus avec
émotion.
« Je frissonne à l’idée d’observer de plus près ces
trésors royaux, notamment les trônes de nos ancêtres. C’est inimaginable »,
a ainsi confié à l'AFP à Cotonou un dignitaire et chef de collectivité Dah
Adohouannon. « Du haut de mes 72 ans, je peux mourir en paix, une fois que
je les aurais vus », a-t-il ajouté.
Les œuvres seront soumises à deux mois
"d'acclimatation" aux nouvelles conditions de climat et
d'hygrométrie, avant d'être exposés pendant trois mois à la présidence
béninoise.
« C’est évident qu’il y aura de la bousculade parce que
tout le monde voudra les voir très vite et assez tôt », prévoit une
étudiante, Henriette Béhannzin, qui espère que les visites ne seront pas
réservées aux privilégiés, « car ce sont des trésors à nous tous ».
Les trésors iront ensuite à l'ancien fort portugais de
Ouidah et la maison du gouverneur, lieux historiques de l'esclavage et de la
colonisation européenne, situés sur la côte, en attendant la construction d'un
nouveau musée à Abomey.
Lors de son discours de Ouagadougou en novembre 2017, M.
Macron s'était engagé à rendre possible dans un délai de cinq ans les
restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en France.
Sur la base d'un rapport remis par les universitaires
sénégalais et française Felwine Sarr et Bénédicte Savoy, il avait décidé de
rendre 26 œuvres réclamées par les autorités du Bénin.
Une loi votée en décembre 2020 a rendu possible ces
restitutions au Bénin en permettant des dérogations au principe
d'"inaliénabilité" des œuvres dans les collections publiques, parce
qu'elles avaient fait l'objet de pillages caractérisés.
Avant d'être restituées, les 26 œuvres ont été montrées
ensemble une dernière fois au musée parisien du Quai Branly, vue par
"15.000 personnes en sept jours".
Selon des experts, 85 à 90% du patrimoine africain serait
hors du continent. Depuis 2019, outre le Bénin, six pays - Sénégal, Côte
d'Ivoire, Ethiopie, Tchad, Mali, Madagascar - ont soumis des demandes de
restitutions.
Les restitutions d’œuvre d'art pillées à l'Afrique sont un
des points saillants de la "nouvelle relation" que le chef de l'Etat
français entend nouer avec le continent.
Avec Agence France Presse
(AFP)