Les vagues successives de discours
qui ont déferlé sur nos rivages de citoyens – jusqu’ici, inquiets et enracinés
dans notre habitude de voir nos gouvernants dans l’incapacité d’amorcer un développement
structurel de la Guinée – incontestablement le CNRD a séduit l’opinion
nationale et internationale. Première vague avec un discours du Président de la
Transition qui avait l’intelligence de poser des constats implacables du pays avant
de proposer des objectifs tout aussi clairs que parfaitement
atteignables ; ce qui faisait espérer le peuple tout entier. Deuxième
vague avec des nominations de personnes aux parcours aussi diversifiés qu’il
était rassurant de voir autant de grandes compétences se mobiliser au service
de notre nation pour son plein développement. Troisième vague avec la démonstration
d’une ferme volonté de récupérer des biens détournés à l’État depuis
l’indépendance en dictant parallèlement des nouvelles normes de conduite dans
la gestion de l’Administration Publique. Bien qu’une poignée de personnes avait
douté dès les premières heures ; tout de même, les applaudissements ont
été nourris dans toutes les concessions – de Conakry à Yomou en passant par Dalaba
et Nabayah – dressant les guinéens en un seul corps à travers une grande liesse
populaire. Les cœurs et les cerveaux en palpitation de célébrer par
anticipation des lendemains que chacun dessinait meilleurs pour la Guinée tant,
au cours de ces dix dernières années, l’État central a été d’une brutalité sans
commune mesure à infliger de la violence à toute âme qui osait réclamer ses
droits citoyens les plus élémentaires.
On les avait crus. Non seulement
parce que l’on avait été patriotiquement accosté par les discours du CNRD tenus
en « promesse » qui étaient censées replacer tout citoyen guinéen dans
la possibilité de jouir de sa pleine dignité, interpellé par le respect
distribué aux sages, émerveillé par l’écoute témoigné aux femmes, subjugué par l’importance
accordée aux jeunes. Mais aussi parce que le CNRD a donné l’impression d’avoir suffisamment
compris la soif des guinéens de voir leurs dirigeants égrener des comportements
exemplaires qui feront honneur à la terre de leurs ancêtres et à la fierté des
nouvelles générations. Il est évident que dans leur démonstration de bravoure à
déraciner un coup d’État constitutionnel par un coup d’État militaire, ce matin
du 5 septembre, le CNRD avait poussé généreusement les guinéens à s’inscrire
dans l’espoir de voir se construire les plus belles pages de notre pays. À leur
tour, les guinéens ont donné au CNRD leur confiance et la chance – en leur intimant,
joyeusement – de réussir cette transition militaire qu’ils voulaient la dernière
de l’histoire de la Guinée. Jamais une telle convergence ne s’était établie entre
la force des guinéens à avoir foi à des autorités fraichement arrivées au
pouvoir et l’urgence d’inverser la situation catastrophique de la vie
socio-politique et économique dans laquelle le pays était installé depuis longtemps.
Cela confirmait que le peuple trainait des besoins cruciaux que ni le régime
qui venait d’être déchu ni les précédents régimes ne semblaient avoir
satisfaits.
Une aubaine pour le CNRD de se dépasser, de se démasquer, de se
démarquer afin de marquer l’Histoire parce que seuls les objectifs atteints
plaideront en leur faveur.
Depuis, des mois s’écoulent et des
fissures laissent s’infiltrer un doute fort accentué dans l’énergie positive que
les guinéens soufflaient à chaque action annoncée du CNRD. Au fil des vagues
successives d’actes, il devenait facile pour tout citoyen d’énumérer et de
différencier des actes les plus symboliques au plus contradictoires que les
membres du CMRN posent chaque fois. Des questions principales apparaissent avec
insistance auxquelles se sont greffées de multitudes d’autres non moins
importantes bien sûr : Où nous mène le CNRD ? Quelle est la liste
complète des femmes et hommes qui composent le CNRD auxquels nous devons cette belle
joute de joie un matin de septembre ? Pourquoi les maisons sont cassées dans
certaines régions ; et seuls certains leaders politiques apparemment
ciblés ont été sommés de déguerpir de leurs domiciles alors que sous d’autres
cieux et pour d’autres raisons des biens entiers sont restitués ? Comment
les membres du CNRD peuvent mettre aux arrêts certains de leurs frères d’arme avec
lesquels ils se sont fendus en héros pour inscrire dans la conscience
collective de notre pays l’une dates les plus mémorables ? Ces questions
ne sont pas exhaustives et tout porte à croire que le CNRD mesure leur
importance pour les guinéens et que leur silence sur ces points n’est pas la
bonne orientation. Ils le savent !
Matinalement,
– sans vouloir étaler une considération personnelle – j’y ai cru, j’ai applaudi ;
modestement et discrètement, j’ai influencé plusieurs compétences à y croire et
intégrer les rangs pour aider à la
réussite de la transition. D’ailleurs, elles seront plusieurs à être surprises
de lire ma présente tribune dans les colonnes d’un des médias les plus influents
de notre pays. Elles savent aussi que je porte autant de questions sur les méthodes
managériales et la pédagogie d’animation de la transition que je formule un
souhait inouï pour sa réussite ; pour qu’enfin chaque citoyen puisse
permettre à la Guinée de briller. À l’instant, questionnons-nous si les membres
du CNRD ont-ils conscience qu’ils seront amenés tôt ou tard à faire face à
leurs questions s’ils souhaitent casser des lianes de doute et de méfiance qui
domestiquent au fur et à mesure la préoccupation des guinéens. Comprennent-ils
qu’ils risquent de recopier les effets peu reluisants de l’héritage des régimes
successifs qui ont souvent endeuillé les familles du fait qu’ils ne s’étaient jamais
soucieux d’apporter du bonheur aux guinéens ; ce qui nous amène par
conséquent à discuter aujourd’hui de la
Guinée dans de telles conditions amères ? Mesurent-ils qu’à s’obstiner sur la
personne de l’ancien responsable des opérations des « forces
spéciales », le CNRD risque de l’ériger en héro-martyr qui sera célébré
tout au long de l’histoire de notre pays exactement comme l’ancien Secrétaire
Général de l’OUA l’est aujourd’hui dès lors qu’on évoque le premier régime de
la République de Guinée tout comme le « tout premier » Premier
Ministre du CMRN l’est pour le second régime ? Ont-ils la ferme volonté et
même la capacité d’inscrire la Guinée dans la trajectoire de sa grande Histoire
par la conception d’institutions républicaines adaptées à nos cultures et notre
exigence de développement économique et
humain ? Peu d’analystes politiques peuvent répondre à cette dernière
question par l’affirmatif en lui donnant un caractère définitif.
On peut s’appuyer sur certains
signaux pour continuer à espérer l’inversion des choses. Faisant suite à la
tournée gouvernementale à l’intérieur du pays, la récente communication du
Premier Ministre face au Président de la Transition, empreint de lucidité et de
courage, a « sincèrement » construire « un véritable dialogue inclusif » est à
encourager. En effet, il est plus qu’urgent de dépasser le stade de discours de
haut vol pour poser des actes de haut prestige en opérationnalisant «
sincèrement » et de façon pragmatique ce que les membres du CNRD ont « promis »
de faire en Guinée. Au bout du bout, seul le résultat jugera si le CNRD s’ils
ont œuvré pour une Histoire d’envergure nationale ou ses membres se sont simplement
contenter de construire – chacun – sa petite histoire de promenade personnelle
que le temps s’empressera de vite engloutir.
Vu l’État actuel de la Guinée et
pour répondre aux préoccupations des citoyens de réussir en Guinée – la
cohésion sociale qui imprime la cohésion politique, institutionnelle et
économique – je propose au Président de la Transition de procéder à un
remaniement partiel du gouvernement pour positionner à la commande de certains
ministères des profils de « manageurs, négociateurs » aux
comportements humbles et aux aspirations panafricanistes au lieu de simplement
aligner des profils techniques. À ce stade de la transition, le travail
fondamental est de rassembler les guinéens en réussissant à implémenter un
dialogue « sérieusement » inclusif ; ce qui produira de facto
l’émergence des institutions durables pour l’avenir du pays que tous nos concitoyens
souhaitent serein. Avant de procéder à
ce remaniement, le Président devrait faire une redéfinition totale de la
stratégie de déroulement de la transition en orientant complètement les
feuilles de route de certains ministères. Il devra, par la suite, rendre fort
impactant le travail de son Premier Ministre pour la réussite de la transition.
Ce dernier est perçu par l’opinion et décrit par plusieurs observateurs comme
coincé entre certaines personnes en treillis aux idées arrêtées ; ce qui
rendraient inopérantes les propositions du Premier Ministre tant il serait
écrasé. Le Président de la Transition devrait être conseillé stratégiquement
pour réussir à former un binôme complémentaire avec son Premier Ministre.
L’autre réussite de cette transition viendra du fonctionnement efficient de la
relation entre le Président, le Premier Ministre et le Président du CNT dans un
rapport structuré avec l’ensemble des organes provisoires de la transition.
Le CNRD – quoi qu’il en soit – ne
peut échapper à la nécessité de revoir son actuelle structure gouvernementale afin
de commencer méthodiquement à poser la Guinée sur les rails d’une Histoire
nationale mémorable.
Alseny GaliManguê SOUMAH