Le CNRD entre l’héritage et l’Histoire

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  • 27 juin 2022 09:57

  • Politique

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Les vagues successives de discours qui ont déferlé sur nos rivages de citoyens – jusqu’ici, inquiets et enracinés dans notre habitude de voir nos gouvernants dans l’incapacité d’amorcer un développement structurel de la Guinée – incontestablement le CNRD a séduit l’opinion nationale et internationale. Première vague avec un discours du Président de la Transition qui avait l’intelligence de poser des constats implacables du pays avant de proposer des objectifs tout aussi clairs que parfaitement atteignables ; ce qui faisait espérer le peuple tout entier. Deuxième vague avec des nominations de personnes aux parcours aussi diversifiés qu’il était rassurant de voir autant de grandes compétences se mobiliser au service de notre nation pour son plein développement. Troisième vague avec la démonstration d’une ferme volonté de récupérer des biens détournés à l’État depuis l’indépendance en dictant parallèlement des nouvelles normes de conduite dans la gestion de l’Administration Publique. Bien qu’une poignée de personnes avait douté dès les premières heures ; tout de même, les applaudissements ont été nourris dans toutes les concessions – de Conakry à Yomou en passant par Dalaba et Nabayah – dressant les guinéens en un seul corps à travers une grande liesse populaire. Les cœurs et les cerveaux en palpitation de célébrer par anticipation des lendemains que chacun dessinait meilleurs pour la Guinée tant, au cours de ces dix dernières années, l’État central a été d’une brutalité sans commune mesure à infliger de la violence à toute âme qui osait réclamer ses droits citoyens les plus élémentaires.   

On les avait crus. Non seulement parce que l’on avait été patriotiquement accosté par les discours du CNRD tenus en « promesse » qui étaient censées replacer tout citoyen guinéen dans la possibilité de jouir de sa pleine dignité, interpellé par le respect distribué aux sages, émerveillé par l’écoute témoigné aux femmes, subjugué par l’importance accordée aux jeunes. Mais aussi parce que le CNRD a donné l’impression d’avoir suffisamment compris la soif des guinéens de voir leurs dirigeants égrener des comportements exemplaires qui feront honneur à la terre de leurs ancêtres et à la fierté des nouvelles générations. Il est évident que dans leur démonstration de bravoure à déraciner un coup d’État constitutionnel par un coup d’État militaire, ce matin du 5 septembre, le CNRD avait poussé généreusement les guinéens à s’inscrire dans l’espoir de voir se construire les plus belles pages de notre pays. À leur tour, les guinéens ont donné au CNRD leur confiance et la chance – en leur intimant, joyeusement – de réussir cette transition militaire qu’ils voulaient la dernière de l’histoire de la Guinée. Jamais une telle convergence ne s’était établie entre la force des guinéens à avoir foi à des autorités fraichement arrivées au pouvoir et l’urgence d’inverser la situation catastrophique de la vie socio-politique et économique dans laquelle le pays était installé depuis longtemps. Cela confirmait que le peuple trainait des besoins cruciaux que ni le régime qui venait d’être déchu ni les précédents régimes ne semblaient avoir satisfaits.

Une aubaine pour le CNRD  de se dépasser, de se démasquer, de se démarquer afin de marquer l’Histoire parce que seuls les objectifs atteints plaideront en leur faveur.

Depuis, des mois s’écoulent et des fissures laissent s’infiltrer un doute fort accentué dans l’énergie positive que les guinéens soufflaient à chaque action annoncée du CNRD. Au fil des vagues successives d’actes, il devenait facile pour tout citoyen d’énumérer et de différencier des actes les plus symboliques au plus contradictoires que les membres du CMRN posent chaque fois. Des questions principales apparaissent avec insistance auxquelles se sont greffées de multitudes d’autres non moins importantes bien sûr : Où nous mène le CNRD ? Quelle est la liste complète des femmes et hommes qui composent le CNRD auxquels nous devons cette belle joute de joie un matin de septembre ?  Pourquoi les maisons sont cassées dans certaines régions ; et seuls certains leaders politiques apparemment ciblés ont été sommés de déguerpir de leurs domiciles alors que sous d’autres cieux et pour d’autres raisons des biens entiers sont restitués ? Comment les membres du CNRD peuvent mettre aux arrêts certains de leurs frères d’arme avec lesquels ils se sont fendus en héros pour inscrire dans la conscience collective de notre pays l’une dates les plus mémorables ? Ces questions ne sont pas exhaustives et tout porte à croire que le CNRD mesure leur importance pour les guinéens et que leur silence sur ces points n’est pas la bonne orientation. Ils le savent !

 Matinalement, – sans vouloir étaler une considération personnelle – j’y ai cru, j’ai applaudi ; modestement et discrètement, j’ai influencé plusieurs compétences à y croire et  intégrer les rangs pour aider à la réussite de la transition. D’ailleurs, elles seront plusieurs à être surprises de lire ma présente tribune dans les colonnes d’un des médias les plus influents de notre pays. Elles savent aussi que je porte autant de questions sur les méthodes managériales et la pédagogie d’animation de la transition que je formule un souhait inouï pour sa réussite ; pour qu’enfin chaque citoyen puisse permettre à la Guinée de briller. À l’instant, questionnons-nous si les membres du CNRD ont-ils conscience qu’ils seront amenés tôt ou tard à faire face à leurs questions s’ils souhaitent casser des lianes de doute et de méfiance qui domestiquent au fur et à mesure la préoccupation des guinéens. Comprennent-ils qu’ils risquent de recopier les effets peu reluisants de l’héritage des régimes successifs qui ont souvent endeuillé les familles du fait qu’ils ne s’étaient jamais soucieux d’apporter du bonheur aux guinéens ; ce qui nous amène par conséquent  à discuter aujourd’hui de la Guinée dans de telles conditions amères ? Mesurent-ils qu’à s’obstiner sur la personne de l’ancien responsable des opérations des « forces spéciales », le CNRD risque de l’ériger en héro-martyr qui sera célébré tout au long de l’histoire de notre pays exactement comme l’ancien Secrétaire Général de l’OUA l’est aujourd’hui dès lors qu’on évoque le premier régime de la République de Guinée tout comme le « tout premier » Premier Ministre du CMRN l’est pour le second régime ? Ont-ils la ferme volonté et même la capacité d’inscrire la Guinée dans la trajectoire de sa grande Histoire par la conception d’institutions républicaines adaptées à nos cultures et notre exigence de développement  économique et humain ? Peu d’analystes politiques peuvent répondre à cette dernière question par l’affirmatif en lui donnant un caractère définitif.      

On peut s’appuyer sur certains signaux pour continuer à espérer l’inversion des choses. Faisant suite à la tournée gouvernementale à l’intérieur du pays, la récente communication du Premier Ministre face au Président de la Transition, empreint de lucidité et de courage, a « sincèrement » construire « un véritable dialogue inclusif » est à encourager. En effet, il est plus qu’urgent de dépasser le stade de discours de haut vol pour poser des actes de haut prestige en opérationnalisant « sincèrement » et de façon pragmatique ce que les membres du CNRD ont « promis » de faire en Guinée. Au bout du bout, seul le résultat jugera si le CNRD s’ils ont œuvré pour une Histoire d’envergure nationale ou ses membres se sont simplement contenter de construire – chacun – sa petite histoire de promenade personnelle que le temps s’empressera de vite engloutir. 

Vu l’État actuel de la Guinée et pour répondre aux préoccupations des citoyens de réussir en Guinée – la cohésion sociale qui imprime la cohésion politique, institutionnelle et économique – je propose au Président de la Transition de procéder à un remaniement partiel du gouvernement pour positionner à la commande de certains ministères des profils de « manageurs, négociateurs » aux comportements humbles et aux aspirations panafricanistes au lieu de simplement aligner des profils techniques. À ce stade de la transition, le travail fondamental est de rassembler les guinéens en réussissant à implémenter un dialogue « sérieusement » inclusif ; ce qui produira de facto l’émergence des institutions durables pour l’avenir du pays que tous nos concitoyens souhaitent serein.   Avant de procéder à ce remaniement, le Président devrait faire une redéfinition totale de la stratégie de déroulement de la transition en orientant complètement les feuilles de route de certains ministères. Il devra, par la suite, rendre fort impactant le travail de son Premier Ministre pour la réussite de la transition. Ce dernier est perçu par l’opinion et décrit par plusieurs observateurs comme coincé entre certaines personnes en treillis aux idées arrêtées ; ce qui rendraient inopérantes les propositions du Premier Ministre tant il serait écrasé. Le Président de la Transition devrait être conseillé stratégiquement pour réussir à former un binôme complémentaire avec son Premier Ministre. L’autre réussite de cette transition viendra du fonctionnement efficient de la relation entre le Président, le Premier Ministre et le Président du CNT dans un rapport structuré avec l’ensemble des organes provisoires de la transition.

Le CNRD – quoi qu’il en soit – ne peut échapper à la nécessité de revoir son actuelle structure gouvernementale afin de commencer méthodiquement à poser la Guinée sur les rails d’une Histoire nationale mémorable.

Alseny GaliManguê SOUMAH

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