C’est une méprise de penser que la loi sur la liberté de la presse ne prévoit pas la détention provisoire et la privation de liberté comme sanction. Il existe bel et bien des peines privatives de liberté dans ce texte.
Pour ce qui est de la détention provisoire, l’article 132 de
cette loi indique que ” si l’inculpé est domicilié en Guinée, il ne peut être
préventivement arrêté, sauf dans les cas prévus aux articles 100, 101, 103,
104, 105, 106 de la présente loi”.
On constate une maladresse dans la rédaction de ce texte.
Cette maladresse était déjà constatable dans l’article 52 de la loi française
du 29 juillet 1881 portant sur la liberté de la presse et dont l’article 132
n’est que la fidèle reproduction sous réserves de quelques spécificités.
Cet article 52 a été par la suite modifié par l’article 5 de
la loi n°2014-1353 du 13 novembre 2014. Ainsi, l’article 5 de la loi de 2014
modifiant l’article 52 de la loi du 29 juillet 1881 est formulé ainsi qu’il
suit : ” Si la personne mise en examen est domiciliée en France, elle ne pourra
être placée en détention provisoire que dans les cas prévus à l’article 23 et
aux deuxièmes et quatrièmes alinéas de l’article 24″.
En disposant que ” si l’inculpé réside en Guinée, il ne
pourra être préventivement arrêté que dans les cas prévus aux articles …”, le
législateur guinéen voulait exactement dire ce qu’a dit son homologue français
dans l’article 5 de la loi de 2014 modifiant l’article 52 de la loi du 29
juillet 1881. C’est-à-dire qu’il existe des cas limitativement énumérés dans
lesquels la détention provisoire est possible.
L’inculpé en Guinée correspond au mis en examen en France.
L’expression “préventivement arrêté ” renvoie en réalité à la détention
provisoire malgré la maladresse de rédaction. Il faut rappeler que le le
législateur parle désormais de détention provisoire et non de détention
préventive.
Pour revenir à la loi sur la liberté de la presse.et au
regard des explications ainsi données, elle prévoit donc la détention
provisoire, selon son article 132, dans les cas suivants :
Les crimes contre la sûreté intérieure, les crimes de
guerre, les crimes et délits de collaboration avec l’ennemi commis par voie de
presse (article 100).
L’apologie des crimes de meurtre, pillage, incendie,
vol……commis par voie de presse. (Article 101).
La provocation à la discrimination, à la haine ou à la
violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur
origine ou de leur appartenance à une ethnie, à une nation, une race, ou une
religion déterminée commise par voie de presse. (Article 103).
L’incitation des militaires et paramilitaires à se détourner
de leur devoir républicain et à désobéir aux lois aux lois et règlements commise
par voie de presse. (Article 104).
L’offense au chef de l’État commise par voie de presse (article
105).
La communication par quelque moyen que ce soit de fausses
nouvelles, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des
tiers (article 106).
La loi sur la liberté de la presse prévoit donc six cas dans
lesquels la détention provisoire est possible. Et lorsqu’on parle d’infractions
commises par voie de presse, il s’agit, comme on le sait, des infractions
commises par l’un des moyens visés en son article 98 de la loi sur la liberté
de la presse.
Mais l’on ne doit pas se borner à dire que la loi sur la
liberté prévoit des hypothèses où la détention provisoire est possible. En
effet, une fois qu’on a dit cela, il faut aller au-delà de l’article de 132. En
d’autres termes, une fois qu’on a admis que la loi sur la liberté de la presse
n’exclut pas la possibilité d’une détention provisoire, il faut poser les
conditions de la détention. Et pour cela, il faut sortir de la loi sur la liberté
de la presse pour interroger le code de procédure pénale qui est le seul texte
qui fixe les conditions de la détention provisoire à travers notamment son
article 235. Quand on fait une lecture combinée des articles 132 de la loi sur
la liberté de la presse et 235 du code procédure pénale, toutes les ambiguïtés
s’estompent aussitôt.
Ainsi, à titre d’exemple, l’article 132 de la loi sur la
liberté de la presse prévoit la détention provisoire en matière d’offense au
Chef de l’État. Mais l’article 235 du code de procédure pénale exclut la
détention provisoire si la peine encourue n’est pas criminelle ou si la peine
correctionnelle n’est pas égale ou supérieure à trois années. Or, la peine
attachée à l’offense au chef de l’État n’est ni une peine criminelle ni une
peine correctionnelle d’une durée égale ou supérieure à trois ans. C’est une
simple peine d’amende (5.000.000 de francs d’amende). Ce qui signifie que le
délit d’offense au Chef de l’État ne devrait pas entraîner une détention
provisoire.
Pour aller plus loin, il faut relever que tout cela concerne
l’inculpé résident en Guinée. On peut dire, a contrario, que s’il ne réside pas
en Guinée, il peut être placé en détention provisoire en dehors des cas prévus
par l’article 132 pourvu que ce soit décidé par un juge d’instruction puisque
le texte parle d’inculpé (mis en examen en France).
Me Mohamed Traoré,
ex-bâtonnier