Pour quelles raisons la libération des soldats ivoiriens détenus à Bamako tarde-t-elle ? Trois mois après leur arrestation lors de leur arrivée au Mali, dans un cadre onusien mais entaché d'irrégularités, les 46 soldats de l'armée ivoirienne détenus à Bamako sont toujours officiellement accusés par Bamako d'être des « mercenaires ». Depuis une dizaine de jours, l'activité diplomatique autour de leur cas est intense.
En fin de semaine dernière, le président ivoirien Alassane
Ouattara a reçu successivement le président togolais Faure Gnassingbé,
médiateur dans ce dossier, puis le président en exercice de la Cédéao, le
Bissau-Guinéen Umaro Sissoko Embaló. Le week-end précédent, c'étaient les
présidents gambien et ghanéen qui étaient reçus à Bamako par le colonel Assimi
Goïta, président malien de transition.
Après toutes ces rencontres, la tonalité générale était à
l'optimisme. « Les choses évoluent bien », disait encore vendredi dernier le
président ivoirien Ouattara, qui prédisait un « heureux aboutissement » « très
rapidement ». Alors pour quelles raisons cette libération, présentée comme
imminente depuis une dizaine de jours, tarde-t-elle autant ?
Selon plusieurs sources proches de la partie malienne et des
médiations en cours, le colonel Assimi Goïta aurait validé le principe d'une
libération. Mais pas forcément immédiate : selon ces sources, les 46 soldats
ivoiriens toujours détenus à Bamako et inculpés pour « tentative d'atteinte à
la sûreté de l'État » pourraient bien ne pas échapper à un procès. Au terme
duquel, en cas de condamnation, ils seraient finalement graciés par le
président malien de transition, puis renvoyés en Côte d'Ivoire.
Une manière pour Bamako, si ce scénario était mis en œuvre,
de ne pas donner l'impression de céder aux pressions ivoiriennes et
internationales. « Ils ne veulent pas avoir l'air d'obéir, ils le feront, mais
à leur rythme », analyse une source proche de la médiation, qui tempère : « À
condition qu'Assimi Goïta respecte ses engagements. Or, il n'est pas seul à
décider. »
La question des
extraditions
C'est que, selon plusieurs sources concordantes et
impliquées dans ce dossier, le président malien de transition s'est déjà dédit
par le passé : il avait notamment assuré, dans le secret des négociations,
qu'il n'exigerait plus l'extradition des personnalités politiques maliennes
vivantes ou séjournant en Côte d'Ivoire, et contre lesquelles Bamako a émis des
mandats d'arrêts internationaux. À savoir le fils de l'ancien président IBK,
Karim Keïta, l'ancien Premier ministre Boubou Cissé et l'ancien ministre Tiéman
Hubert Coulibaly.
Quelques jours après avoir officieusement abandonné cette
exigence, le colonel Assimi Goïta en faisait officiellement et publiquement une
« contrepartie » nécessaire, suscitant l'ire d'Abidjan, qui avait alors dénoncé
un « chantage » et une prise d'« otages ». « Les engagements d'Assimi Goïta
sont sincères, assure une source proche des médiations en cours, mais il ne
contrôle pas tout. »
Nationalité
Les sources jointes par RFI évoquent aussi une autre
complication : plusieurs soldats ne seraient pas Ivoiriens mais viendraient du
Liberia et de Sierra Leone. Leurs témoignages auraient même été présentés aux
chefs d'État de la sous-région intercédant dans ce dossier. Un argument balayé
par de hauts responsables ivoiriens, au gouvernement et à l'état-major, qui
assurent que tous les soldats de l'armée nationale ont la nationalité
ivoirienne. Et de conclure : « Nous restons optimistes, les choses bougent dans
le bon sens. »
Pour autant, aucune des sources jointes par RFI n'est entrée dans le détail du compromis qui pourrait avoir été conclu. L'exigence d'extradition des politiques maliens a-t-elle été abandonnée ? Bamako a-t-elle obtenu d'Abidjan le soutien souhaité pour ses demandes de financement auprès de la BCEAO ? Hors micro, des sources proches de la présidence ivoirienne n'excluaient pas un tel soutien, mais uniquement après la libération des soldats et en aucun cas comme terme d'un éventuel échange.
Radio France Internationale
(RFI)