Les sommets exceptionnels de la Cédéao et de l’Uemoa qui se sont tenus,
samedi 4 juin, à Accra, n’ont permis aucune avancée, ni pour la Guinée, ni pour
le Burkina, ni pour le Mali. Les décisions attendues ont été reportées au 3
juillet prochain. Bamako espérait un possible levé des sanctions économiques et
financières qui frappent le Mali, depuis le début du mois de janvier.
Dans son communiqué final, la
Cédéao indique maintenir ses sanctions et poursuivre le dialogue avec les
autorités maliennes de transition, un camouflet pour les autorités maliennes
qui n’ont toujours pas réagi officiellement, ainsi que la promesse d’une nouvelle
période de tension.
Les autorités maliennes se
préparaient déjà à une levée de l’embargo. Des consignes avaient même été
données, selon plusieurs documents du ministère malien de l’Économie auxquels
RFI a pu avoir accès, pour la mobilisation des effectifs douaniers aux
frontières.
Et pour cause. Selon des sources
diplomatiques, Bamako avait consenti à revoir, à la baisse, sa proposition
d’une prolongation de la transition de deux ans. A combien précisément ? Seize
? Dix-huit ? Vingt mois ? Les sources entretiennent le flou… mais pas
suffisamment en tout cas pour convaincre les plus fermes des chefs d’État de la
Cédéao parmi lesquels celui du Niger et ceux de plusieurs pays anglophones
comme le Ghana, la Gambie et, dans une moindre mesure, le Nigeria.
Ce nouvel échec est en tout cas
synonyme, pour les Maliens qui espéraient une levée ou assouplissement des
sanctions qui les frappent, de déception, de frustration, voire de colère, ce
qui ne manquera pas de polariser encore davantage la société malienne.
Pour les partisans des autorités
de transition, la Cédéao se montre incapable d’écouter les souffrances du
peuple et de répondre à ses aspirations. Leurs adversaires blâment, au
contraire, les militaires putschistes et leur volonté de s’accrocher au pouvoir,
au lieu de laisser les Maliens choisir rapidement leurs dirigeants avec des
élections démocratiques.,Nous sommes loin de l’apaisement et de l’union que les
deux camps espéraient pouvoir reconstruire, à l’issue de ce sommet. Les
négociations se poursuivent.
« Irresponsabilité » des dirigeants de la Cédéao
Sory Ibrahima Traoré est le
président du Front pour l'émergence et le renouveau au Mali (FER-Mali), qui
soutient les autorités de transition. Joint par RFI, il se dit « surpris » par
« l’irresponsabilité » des chefs d’Etat de la Cédéao. « La décision de maintenir
les sanctions est une surprise désagréable mais ça ne fait que confirmer notre
analyse sur le manque de responsabilité des dirigeants de la Cédéao qui, de
notre point de vue, sont en train de faire une guerre par procuration au Mali,
pour le compte de la France qui voit d’un mauvais œil le partenariat avec la
Fédération de Russie », estime-t-il.
À la question de savoir s’il
pense que la France peut les manipuler, bien que parmi les États les plus
fermes il y ait le Niger et surtout des pays anglophones comme le Ghana, la
Gambie, le Nigeria, Sory Ibrahim est catégorique : « Evidemment ! Il est
évident que le Mali fait partie de la zone d’influence de la France et au
regard de tout ce qui se passe au niveau de la géopolitique internationale, on
peut comprendre aisément que l’influence de la Russie n’est pas du goût de la
France, assure-t-il. D’ici le 3 juillet [prochain sommet de la Cédéao, ndlr],
nous pensons que la Cédéao sera plus reconnaissante des efforts fournis par les
autorités de la transition et que ces sanctions seront levées parce qu’elles
font souffrir toutes les populations des pays membres de la Cédéao, et pas le
Mali seulement. »
« Donner des gages et aller vers une ouverture »
De l’autre côté du champ
politique malien, Ismaël Sacko préside le PSDA, le Parti social-démocrate
africain, membre du Cadre qui rassemble les partis maliens d’opposition. Pour
lui, au contraire, ce sont les autorités maliennes de transition qui sont
responsables de ce nouvel échec des négociations.
« Les autorités de la transition
malienne n’ont pas eu le tact nécessaire pour être une force de proposition par
rapport au délai que les chefs d’État de la Cédéao attendaient. Il faut aussi
reconnaître qu’aujourd’hui, il y a un manque de confiance entre les autorités maliennes
et les chefs d’État de la Cédéao, du fait du non-respect des délais de la
transition de la première phase, et de la gestion de la deuxième phase. Donc il
est important aujourd’hui, pour les autorités de la transition malienne, de
donner les gages, les garanties nécessaires d’une confiance réciproque, mais
aussi d’aller vers une ouverture : qu’il y ait un nouveau Premier ministre qui
soit neutre, consensuel, rassembleur et qui puisse ramener le Mali dans le
giron du concert des nations, analyse Ismaël Sacko. Force est de constater que
les chefs d’État de la Cédéao ont aussi été assez durs, donc nous leur
demandons d’être flexibles et nous saluons cet état d’esprit de maintenir de
part et d’autre les négociations qui se poursuivront pour permettre de sortir
de ce bourbier. »
RFI