La consternation est totale et les condamnations pleuvent de partout.
Mais ce crime ignoble commis sur la personne de Martinez Zogo, pourrait encore
demeurer impuni, comme le sont les assassinats de nombreux journalistes à
travers le monde. Les familles, proches, collègues et confrères du
Burkinabè Norbert Zongo et des Français Ghislaine Dupont et Claude Verlon, pour
ne citer que ces grains du trop long chapelet de journalistes tués parce qu’ils
n’accomplissaient que leur devoir, celui de faire jouir leurs semblables de
leur droit d’être informés. On ne saurait occulter la mort, ce mercredi, dans
un accident de la route, dans des conditions suspectes selon l’ONG Human Rights
Watch, du journaliste rwandais, John Williams Ntwali, 44 ans. Le désormais
ex-rédacteur en chef du journal The Chronicles était celui-là même qui osait
émettre des critiques ouvertes contre le régime en place et donnait
régulièrement la parole aux dissidents du pouvoir, sur la chaîne Pax TV qu’il a
fondée sur YouTube.
Enlevé le 17 janvier, retrouvé
mort le 22 de ce même mois! Ce fut le triste destin de Martinez Zogo,
journaliste à forte audience, sur la radio Amplitude FM dont il était le
directeur et sur laquelle il animait l’émission Embouteillage où les affaires
sales, dont les détournements de l’argent public et autres comportements inciviques
étaient dénoncés à foison. Ce micro explosif tenu par le journaliste
camerounais est désormais muet, pour le plus grand plaisir des prédateurs de la
presse et ces nombreuses personnes pour qui la liberté d’expression est
urticante. Cette voix dérangeante pour certains, mais indispensable pour la
moralisation de la société, a été éteinte pour de bon.
Mort atroce que fut celle de
notre confrère dont le corps a été découvert nu, portant des traces de sévices
inhumaines et en état de putréfaction avancé, selon les premières
constatations. Un «assassinat odieux» dénoncé par le Syndicat national des
journalistes du Cameroun. Du reste, les membres de ce regroupement qui défend
les intérêts de la corporation, craignent, à juste titre, que les conséquences
de cet acte ignoble «restreignent davantage «la liberté et la sécurité au
Cameroun». Le crime de trop!
Mais le Cameroun est loin d’être
le seul pays où la chasse est ouverte contre les journalistes! Au Burkina Faso,
les autorités de la transition, ont dû hausser le ton dans une déclaration face
aux sorties hasardeuses et haineuses d’individus, et même de politiciens en mal
de publicité, contre des hommes de presse qui n’ont eu que pour tout tort de
vouloir donner la bonne information et surtout de dénoncer des dérives, juste
pour qu’elles soient corrigées. Ainsi en a-t-il été, au Cameroun, de Martinez
Zogo, et au Burkina, de Norbert Zongo -deux noms qui riment- le promoteur de
L’Indépendant, lui brûlé vif, avec ses compagnons de voyage, un certain 13
décembre 1998.
Au Pays des Hommes intègres, le
cas le plus récent est la fatwa lancée contre le journaliste de profession,
Newton Ahmed Barry, qui a été menacé de mort! Le Rubricon a été franchi et ne
fait que renforcer la chape de plomb qui pèse maintenant sur les journalistes
qui sont contraints au silence sur certains sujets. Au Mali, le musellement de
la presse ne dit pas non plus son nom. A moins d’accepter de verser dans la
propagande de la junte militaire au pouvoir à Bamako, il faut avoir un certain
cran ou simplement être suicidaire pour contredire les autorités de la
transition.
Même dans des pays dits phares de
la démocratie en Afrique, comme le Sénégal, où des journalistes comme Pape Alé
Niang sont mis à l’ombre pour avoir osé assouvir la soif de s’informer des
populations, le journalisme qui a toujours été un métier à risque est devenu un
danger de mort! «Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me
battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire»! Le temps est visiblement
révolu où Evelyn Hall faisait recette avec cette célèbre et noble formule
attribuée à Voltaire.