Mort de Ghislaine Dupont et Claude Verlon : « Rien n'a été improvisé »

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  • 02 novembre 2022 10:24

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Il y a neuf ans, la journaliste Ghislaine Dupont et le technicien de reportage Claude Verlon étaient assassinés le 2 novembre 2013 à Kidal, au Mali. Enlevés devant le domicile d'un notable qu'ils venaient d'interviewer, ils avaient été tués par leurs ravisseurs peu après, à une dizaine de kilomètres de la ville. Leur mort avait été revendiquée par Aqmi. Où en est l'enquête ? Entretien avec Me Marie Dosé, avocate de l'Association des amis de Ghislaine Dupont et Claude Verlon.

Marie-Pierre Olphand : Le juge a rencontré le 30 juin 2022 toutes les parties civiles. C’est la première fois que cette rencontre a lieu depuis 4 ans. Que faut-il en retenir ?

Me Marie Dosé : Il était important que le magistrat instructeur explique à toutes les parties civiles ce que les enquêteurs avaient pu mettre en exergue, notamment dans le cadre d’exploitations technique et téléphonique. Mais c’est un rapport d’étape. Donc c’est un peu compliqué parce que je suis liée au secret de l’instruction, mais le secret de l’instruction, c’est aussi quelque chose d’important pour permettre aux investigations d’aller jusqu’au bout. Donc, je ne vais pas pouvoir répondre avec précision à votre question. Mais ce qui est important à retenir, c’est qu’il y a eu un travail de fourmi qui a été réalisé et que ce travail de fourmi se perpétue.

David Baché : Vous avez parlé des données téléphoniques. Il y a un peu plus d’un an, le juge d’instruction a pu récupérer les factures détaillées fournies par l’opérateur Malitel. Qu’est-ce qu’elles apportent ? Est-ce qu’elles permettent d’éclairer différemment le dossier ?

M.D. : L’exploitation n’est pas terminée. Il faut que les enquêteurs aillent jusqu’au bout, d’autres données doivent encore être comparées et plus précisément exploitées. Ce que l’on peut en tout cas déduire de cette exploitation, on s’en doutait, mais on n’en avait pas la preuve matérielle, c’est que tout ceci a été organisé, qu’ils étaient surveillés, et de près, depuis leur arrivée au Mali et que rien n’était improvisé. C’est ça qui est important.

D.B. : La thèse rapt d’opportunité qui aurait mal tourné, c’est ça qui est remis en cause ?

M.D. : Oui. Elle est complètement écartée. Mais il faut encore travailler sur « qui », pour savoir ensuite « pourquoi ». Et dans le « qui », il n’y a pas seulement ceux qui étaient dans le pick-up. Il y a tous ceux qui ont pu à un moment donné les surveiller, échanger des informations, et participer à ce guet-apens.

Marie Pierre Olphand : Cela veut dire que les fadettes permettent déjà à ce stade préliminaire d’élargir le réseau des complices et des ravisseurs ?

M.D. : Tout à fait. Et ce qu’il convient désormais, c’est de continuer à avancer pour permettre des identifications.

D.B. : Est-ce que le juge au cours de l’année écoulée a déposé de nouvelles demandes d’actes, a suivi de nouvelles pistes ?

M.D. : Certaines demandes de déclassification sont envisagées et le magistrat instructeur nous a effectivement expliqué qu’il comptait les formaliser et les transmettre au ministère concerné rapidement.

D.B. : Demander des déclassifications, cela veut dire obtenir des documents jusqu’ici classés secret-défense ?

M.D. : Tout à fait. C’est un dossier dans lequel le secret-défense a malheureusement toute sa place. Et nous n’y pouvons pas grand-chose. Mais les magistrats instructeurs sont là aussi pour tenter d’obtenir la vérité malgré le secret-défense. Donc, à chaque fois que l’enquête avance, il y a un moment où l’on est confronté à des éléments supposés classifiés, c’est alors au magistrat instructeur de demander la levée du secret-défense et c’est ce qu’il a fait.

M.P.O. : Est-ce que le juge s’intéresse à la façon dont Baye Ag Bakabo, à la tête du commando qui a enlevé Ghislaine Dupont et Claude Verlon, a été tué, à son statut possible d’agent français dont il a déjà été question au cours de cette enquête ? Est-ce que ce sont des pistes qu’il suit toujours ?

M.D. : C’est un magistrat instructeur qui ne ferme aucune porte et qui s’attache à récolter les éléments matériels, sans en tirer de conclusion hâtive, qui fait en sorte que tous ces éléments soient exploités, pour essayer d’avoir une vision de plus en plus précise de ce qui a pu se passer. Mais il n’y a pas une hypothèse qu’il veut voir confirmer par des éléments. Nous ne sommes pas ici face à une information judiciaire à thèse. Ce n’est pas du tout ça.

D.B : Il y a cette piste. Il y en a d’autres que les nouvelles demandes de déclassification du juge concernent ?

M.D. : Vous imaginez bien que les demandes qui sont transmises par le magistrat instructeur doivent rester secrètes pour pouvoir rassurer ceux qui détiennent l’information et qui peut-être vont accepter de la déclassifier. Donc, il y a, et je l’entends bien, la nécessité d’informer sur les avancées d’une information judiciaire, mais il y a aussi la difficulté que représente le fait de divulguer trop tôt des éléments d’information qui risque fort d’empêcher la manifestation de la vérité de se révéler.

M.P.O. : Il y a un an, vous souhaitiez que soit entendu Moussa Diawara, l’ancien patron des services de renseignements maliens. Est-ce que le juge a donné suite à votre requête ?

M.D. : j’ai déposé effectivement cette demande d’acte, mais je vais vous répondre très franchement, quelle que soit la position du magistrat instructeur qui est la sienne, la vraie difficulté désormais, c’est qu’entre la France et le Mali, il n’y a plus aucune coopération et que rien ne peut plus être fait au Mali, judiciairement. Et ça, ça va être très compliqué. Il y a eu à un moment donné, dans cette affaire, une possible coopération, des échanges entre un magistrat instructeur malien et les juges anti-terroristes français en charge de cette affaire. Mais là, c’est terminé. C’est d’ailleurs quelque chose de néfaste pour cette instruction qui inquiète énormément, et à juste titre, et les parties civiles et le juge d’instruction.

Radio France Internationale (RFI)

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