Le chef de l’Etat lève
définitivement le voile sur l’existence d’extrémistes politiques dans les rangs
de la mouvance présidentielle. Il en a fait la confidence cette semaine à Jeune
Afrique. Le président Alpha Condé prédit d’ailleurs que les extrémistes du
pouvoir et de l’opposition vont mordre la poussière. Pour que triomphe la
‘’majorité raisonnable’’, dit-il. Mais notre éditorialiste du jour, Talibé
Barry, a sa propre lecture de cette sortie présidentielle.
L’interview d’Alpha Condé, publiée dans Jeune Afrique, en début de semaine,
n’a pas fini de faire parler d’elle dans le microcosme politique guinéen. En un
mot comme en mille, on n’y voit un président cru, qui ne ménage ni le chou ni
la chèvre. Rien à voir avec les discours officiels et les adresses à la Nation,
politiquement corrects.
C’est à croire que le chef de l’Etat s’y exprime sans filtre, distribuant des
coups de boutoirs à tout bout de champ. Toutefois, dans le présent exercice,
ignorons la rengaine présidentielle annonçant la disparition imminente de son
opposition.
En effet, dans
cette interview réalisée par François Soudan, Alpha Condé s’est d’emblée
abstenu de dire les choses à mots couverts. Il en a été ainsi quand le champion
du RPG arc-en-ciel a martelé, citation : « Il existe dans les
deux camps, celui du pouvoir et celui de l’opposition, des extrémistes qui ne
veulent pas du dialogue et du progrès en Guinée », dit-il. Avant
d’ajouter, presqu’imparable : « Je fais le pari que la majorité
raisonnable l’emportera ». Fin de citation.
La preuve, peut-être la énième, est
ainsi donnée que le président de la République ne perd pas de vue que
l’extrémisme politique a des adeptes de part et d’autre. Jusque-là, Alpha Condé
a systématiquement jeté la pierre aux opposants extrémistes. Ceux qu’il accuse
de manipuler les militants, les mineurs ou des populations d’une région, contre
son régime. Allant jusqu’à présenter ces extrémistes comme des ennemis de la
République, freinant le développement économique du pays, à coups de
manifestations et de marches politiques interminables.
Le Professeur-président avait donc
laborieusement réussi à épargner les faucons du camp présidentiel. Ceux de sa
famille politique qui, entre autres, radicalisaient sa position et recrutaient
les contre-manifestants longtemps dénoncés par l’opposition.
Finalement donc, ceux qui ne veulent pas
du dialogue et du progrès en Guinée, ne remplissent pas que les seuls rangs de
l’opposition. Ces extrémistes ont hélas, leurs nids dans les arcanes du pouvoir
et dans les strates du RPG arc-en-ciel et de ses alliés, désignés sous le
vocable ‘’mouvance présidentielle’’.
Le chef de l’Etat vient de le
reconnaître et de l’officialiser. Peut-être qu’en bon calculateur politique,
c’est le moment qu’il a choisi pour assener cette évidence. Après dix ans de
carambouille politique sur fond de crises avec son opposition. Mais aussi et
surtout, maintenant qu’il consomme presque confortablement son 3ème
mandat de six ans. Peut-être aussi, maintenant qu’il croît avoir neutralisé son
opposition jusque-là irréductible. Parlant de Cellou Dalein et Sidya Touré,
Alpha Condé a confié à Jeune Afrique ce qui suit : « Une
recomposition politique est en cours à l’issue de laquelle les deux
personnalités que vous venez de citer ne seront peut-être plus les leaders
qu’ils furent », a-t-il professé, sans sourciller.
Comme on le voit, Alpha Condé a cru bon
de passer aux aveux sur l’existence d’extrémistes dans son camp. Une chose est
sure cependant, ce n’est pas aujourd’hui que le chef de l’Etat le découvre. Le
réalisme face à sa très musclée opposition avait sans doute commandé que le
vieux briscard politique ferma les yeux dessus. Au moins, les choses sont
désormais claires. Reste néanmoins à savoir si Alpha Condé donnera la chance à ce
qu’il appelle ‘’la majorité raisonnable’’ de l’emporter sur les extrémistes des
deux bords.
Talibé Barry
