Procès des événements du 28 septembre : le condensé de la semaine du 24 juillet 2023

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  • 28 juillet 2023 09:09

  • Justice

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Les victimes continuent de défiler à la barre du Tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la Cour d'Appel de Conakry. Lundi dernier, c’est Mamadou Alimou Sall qui a ouvert le bal.

Mamadou Alimou Sall dit s’être constitué partie civile pour avoir été privé de sa liberté et séquestré au camp Koundara actuel Camp Makambo, dirigé à l'époque par le commandant Beugré. Le plaignant a commencé par préciser qu'il n'a rien subi au stade pour avoir quitté très tôt. Toutefois, a-t-il expliqué, les heures qui ont suivi le massacre, il a constaté la disparition d'un de ses amis du nom de Korka Bah. Il a appelé le contact de ce dernier en vue de prendre de ses nouvelles. A sa grande surprise, a-t-il dit, c'est un militaire qui a décroché l'appel à partir du camp Koundara pour lui dire que le propriétaire du téléphone est dans cette caserne. Partis donc à la recherche de Korka Bah avec son ami Bobo Bah au camp Koundara, ils y ont été retenus contre leur gré pendant presqu'une semaine. Durant cette semaine, a-t-il révélé, lui et son ami ont été torturés. Chacun recevait chaque matin 50 coups à la demande de Beugré et un autre officier du nom de Tanènè. Ils ne mangeaient qu'une seule fois par jour, mais pas à leur faim. Mamadou Alimou a aussi mis à l'index le sergent Paul qui, selon lui, est dans le box des accusés. Ce dernier leur criait dessus, les qualifiait de rebelles et les menaçait de mort, a-t-il ajouté. Au bout d'une semaine, ils ont recouvré leur liberté grâce à un officier dont il dit ignorer l'identité. Il se souvient avoir été transporté par des militaires dans leur véhicule du camp Koundara jusqu'au bord de la mer à Taouyah. Ceux qui les ont transportés leur ont donné chacun 5 000 GNF tout en leur demandant de se laver dans la mer avant de rentrer à la maison. Il a conclu en disant que l’ami qu’ils recherchaient reste jusqu'ici, introuvable.

Mamadou Lamine Sall a été succédé à la barre par Mamadou Chérif Barry.

Mamadou Chérif Barry est un couturier. Il est né 1997 à Pita. Il a rappelé qu’il était au Stade le 28 septembre 2009 pour assister au meeting des Forces Vives de la Nation. Il a reçu une balle au pied alors qu'il se battait pour se sauver suite à l'irruption des militaires. Il est d’abord secouru par trois jeunes jusqu'au portail du stade vers la Mairie de Dixinn, ensuite par la Croix rouge. Mamadou Chérif est alors amené à la gendarmerie chez l’officier Baldé Bodié. En compagnie de beaucoup d’autres manifestants blessés, il est conduit à l'hôpital national Donka. Il dit avoir trouvé sur une bâche dans cet établissement hospitalier, de nombreuses autres victimes parmi lesquelles une était morte devant lui. Quelques heures après son arrivée, les médecins l'informent du pillage de la pharmacie de l’hôpital. Il rentre à la maison pour dit-il, se mettre à l'abri d'un éventuel enlèvement. Quand il y a eu l’accalmie, il est revenu à l'hôpital pour poursuivre son traitement. Il a passé trois mois deux semaines à Donka à la charge du gouvernement, a affirmé la victime. Mamadou Chérif n'a parlé d'aucun accusé, mais il tient le capitaine Moussa Dadis Camara pour responsable de sa mésaventure et demande justice.

C’est après les deux premiers qu’Ibrahima Diallo aussi a été entendu. Cette autre partie civile est largement revenue sur ce qui lui est arrivé dans la journée du 28 septembre.

A l’image de son prédécesseur, Ibrahima Diallo est aussi couturier. Il est né en 1965 à Tolo dans la préfecture de Mamou. Il a expliqué avoir été emporté au stade par l’euphorie que suscitait la mobilisation des manifestants vers ce complexe sportif à l’appel des forces vives. Il se plaint de sévices corporels qui ont sérieusement touché son dos suite à une chute imputable à des agents en civil qui arboraient des étoffes rouges sur la tête. Le quinquagénaire dit avoir été victime de ces sévices alors qu'il se débattait pour sortir du stade en marge de l'irruption des militaires. Il a témoigné avoir vu au moins une quarantaine de corps au stade. Le seul accusé dont Ibrahima Diallo a parlé, est le colonel Moussa Tiegboro Camara. Il accuse ce dernier de menaces dans la matinée du 28 septembre lorsque lui et d’autres manifestants ralliaient le stade. Avant l'étape du stade, il affirmé avoir vu des bus de Dadis au niveau de Hamdallaye Pharmacie qui transportaient des gens et à bord desquels, il y avait des machettes et des couteaux. Il a aussi rappelé que les policiers ont été les premiers à lancer du gaz lacrymogène dans l'enceinte du stade. En répondant aux premières questions du premier substitut du procureur qui l’a interrogé, le plaignant a coulé les larmes. Selon lui, il traîne les séquelles de ses blessures jusqu'à date. Il est désormais dans l'incapacité de subvenir aux besoins de ses trois épouses et 14 enfants, a-t-il regretté sur fond de colère.

Me Thierno Souleymane Baldé a été la quatrième victime à avoir été entendue lundi. C’est d’ailleurs sa déposition qui a clôturé la journée.

Me Thierno Souleymane Baldé est un avocat né en juin 1973 à Fatako dans la préfecture de Tougué. Il dit s’être constitué partie civile pour avoir été victime de torture. Les faits remontent au 28 octobre 2009 soit un mois après le massacre du 28 septembre. Il avait alors été arrêté avec 10 autres personnes par le colonel Moussa Tiegboro Camara et ses éléments à la Maison des jeunes de Dixinn. « Ils ont tiré certains parmi nous par les pieds, d'autres par la tête, avec des injures que je ne peux pas répéter ici. Ils nous ont traînés dans la boue de la salle jusqu'au niveau de la route principale où étaient garés les pick-up.  Ils nous ont mis à l'intérieur comme des sacs de patates », a raconté l'avocat. C’est ensuite qu'ils ont été conduits au camp Alpha Yaya Diallo et enfermés dans un conteneur, a-t-il rappelé. Cette arrestation est consécutive selon Me Thierno Souleymane Baldé, à une grève de la faim qu'il avait organisée pour dit-il, mettre la pression sur les militaires et les politiques afin que cessent les violences dans le pays. Après leur arrestation aux environs de 20 heures, lui personnellement a été interrogé par des gendarmes armés de 21 heures à 2 heures du matin pendant qu'on le giflait en l’insultant, a révélé Me Thierno Souleymane Barry. C'est le lendemain matin que lui et ses compagnons d'infortune ont été fait libérer par le Colonel Abdoulaye Chérif Diaby et Koutoubou Sanoh à la demande du capitaine Moussa Dadis Camara. Il leur a été demandé de suspendre la grève afin qu'une solution soit trouvée à leurs points de revendication. Ils sont passés à l'hôpital national Donka parce qu'il y avait des blessés parmi eux, suite à leur arrestation musclée, avant de rejoindre leurs familles.

Mardi, c’est une seule partie civile qui a été entendue. Il s’agit de Mamadou Baïlo Sow qui s’est constitué partie civile pour coups et blessures.

Mamadou Baïlo Sow est staffeur. Il est né en 1988 à Bissikrima dans la préfecture de Dabola. C’est de Wanindara dans la commune de Ratoma qu’il a rallié le Stade le 28 septembre 2009 en compagnie de plusieurs autres personnes, a expliqué le plaignant. De la cité Enco 5 au complexe sportif en passant par Cosa, Bambéto et Hamdallaye, lui et ses compagnons ont constaté la présence des policiers et des bérets rouges partout. Cependant, ils ont pu franchir toutes ces étapes sans grandes difficultés, a indiqué Baïlo. C'est à la Belle vue, que des policiers ont tenté d'empêcher sérieusement les manifestants de poursuivre leur chemin. Ces derniers ont tiré sur deux de ses amis, a-t-il révélé. Arrivés à la terrasse, Mamadou Baïlo Sow et ses compagnons ont trouvé le Colonel Moussa Tiegboro Camara arrêté. L’officier était en train de crier selon lui, sur des manifestants. Le plaignant a ajouté qu’il y avait trois bérets rouges dans le cortège du gendarme. En dépit des petites difficultés à l'esplanade, le plaignant a pu accéder à l'enceinte du stade.

Du stade, c’est à l’hôpital qu’il s’est finalement retrouvé suite aux violences qui ont été exercées sur les manifestants pas des militaires.

Il a rappelé que l'irruption des militaires a débouché sur des violences. Il dit avoir perdu tout espoir quand il a vu Cellou Dalein Diallo se faire sauvagement bastonner par un militaire. Les sévices qui n'ont pas épargné les leaders, n'épargneront point les militants, s'est-il dit. Lorsqu'il tentait de sortir du stade, il a été atteint par balle au niveau du flanc droit après avoir reçu des coups sur la tête de la part d'un béret rouge qui l'avait empêché de grimper à un manguier à travers lequel il voulait se sauver, a décrit la victime en larmes. De là où il était couché, a ajouté le jeune, il a vu de ses propres yeux une femme qui se faisait violer par des agents. Selon Mamadou Baïlo Sow, il a été secouru par la suite par d'autres manifestants en débandade. C'est dans ces conditions, qu'il s'est retrouvé dans une clinique privée chez un certain Dr Sow avant d'être admis à l'hôpital Donka. Il reconnaît n’avoir pas vu la scène de ses yeux, mais il a été informé du retrait des corps de la morgue de l’hôpital entre 3h et 4h du matin sur fond de bruit le jour où il est arrivé. Pour avoir refusé de saluer le capitaine Moussa Dadis Camara qui avait rendu visite aux victimes trois jours après les événements, des médecins l’ont conseillé de quitter l’hôpital par peur de représailles, a témoigné Mamadou Baïlo. Il a poursuivi ses soins dans son quartier à ses propres frais avant d’être admis à la clinique Mère et Enfant. Jusqu'à date, a indiqué le plaignant, il traîne les séquelles de ses blessures. Il demande l'application stricte de la loi contre les membres du CNDD qui, selon lui, sont responsables des événements du 28 septembre 2009.

Mercredi, la première victime qui a été appelée à la barre s’appelle Moussa Bella Barry, mais c’est son épouse qui a parlé en son nom.

Invité à la barre, Moussa Bella Barry a comparu avec sa femme. Avant de prendre la parole, c’est Me Hamidou Barry qui a informé le tribunal que la victime ne peut pas parler parce que paralysée. Il a fait une procuration à sa femme, Kadiatou Barry, a ajouté cet avocat des parties civiles. Le procureur par la voix de Sidiki Camara ne s’est pas opposée à cette représentation. Les avocats de la défense non plus. Kadiatou Barry a expliqué que son mari s’est rendu au stade dans la matinée du 28 septembre. Elle a cessé d’avoir de ses nouvelles à partir de 14h, parce que son contact ne passait plus. C’est vers 17h qu’elle a croisé un groupe de personnes à la Terrasse du stade. On lui a alors remis la carte d’identité de Moussa Bella. « Quand j’ai demandé, on m’a dit qu’il n’est pas mort, mais qu’il est hospitalisé à la clinique chez Dr Samoura. On est allé le trouver dans une profonde crise. Une semaine après, le médecin nous a dit de l’envoyer à Donka parce qu’il souffrait beaucoup. De radio en radio à Donka, on s’est rendu compte que sa main est foutue », a déclaré Kadiatou Barry. A cette souffrance, l’hypertension s’est ajoutée, provoquant une paralysie totale chez la victime, a-t-elle ajouté. Selon Kadiatou Barry, la main de son mari a été fracturée par suite de bastonnades.

Kadiatou Barry a été succédée à la barre par Mamadou Saliou Diallo. C'est un marchand né en 1970 à Nobè dans la préfecture de Mamou. Il dit s'être constitué partie civile pour coups et blessures.

Pour revenir sur les faits, le plaignant a expliqué qu'il est parti de chez lui à Hamdallaye CBG pour le stade en passant par le domicile de Cellou Dalein Diallo, aux environs de 8 heures le 28 septembre 2009. A la Terrasse, il dit avoir trouvé le colonel Moussa Tiegboro Camara. « Retournez-vous, vous ne rentrez pas ici », disait-il aux manifestants, a rapporté Mamadou Saliou Diallo. Après les premiers coups de gaz lacrymogène, il s'est retranché au domicile de Cellou Dalein Diallo. Il retourne au stade aux environs de 10 heures après avoir été rejoint par une foule. Dans l'enceinte du stade, il est allé s'asseoir à la tribune. Après l’arrivée de Jean-Marie Doré, certains agents ont commencé à lancer du gaz lacrymogène et d'autres à tirer sur des manifestants, a affirmé la victime.

C’est cette étape qui constitue le véritable début de sa mésaventure.

Suite à la bousculade au niveau d'un des portails du stade par lequel il voulait sortir, son pied a été fracturé, a révélé Mamadou Saliou Diallo. Pendant qu'il se débattait sous le corps d'une femme tombé sur lui, un béret rouge lui a administré un coup de cross quand il a appelé au secours, un autre a pris sur lui, son téléphone et une somme de 12 mille francs guinéens, a-t-il ajouté. Il dit avoir été secouru par la Croix rouge au milieu de plusieurs corps et acheminé à l'hôpital Donka. Trois jours après son arrivée à l'hôpital, le président Dadis est passé rendre visite aux victimes et leur a demandé pardon, s'est souvenu Mamadou Saliou Diallo. Il a décidé de rentrer à la maison par peur, après avoir appris que le président du CNDD veut les envoyer à la clinique Pasteur. Rentré dans le quartier, il a poursuivi son traitement chez des tradi-praticien au quartier Hafia, avant d'être admis à la clinique Mère et Enfant où il a passé trois mois. Le quinquagénaire tient le président Dadis pour responsable des événements du 28 septembre 2009 et demande justice.

C’est la déposition de Thierno Maadjou Sow qui a clôturé les trois journées d’audience de la semaine.

Thierno Maadjou Sow est un marchand. Il est né en 1972 à Kankalabé dans la préfecture de Dalaba. Le 28 septembre 2009, lui aussi était au stade. Il y est allé en compagnie de trois jeunes après la prière de l'aube. C'était simplement pour voir Cellou Dalein Diallo, a-t-il dit. Arrivé à la Terrasse, il apprend à travers des gendarmes que le meeting n'aura pas lieu. Il rebrousse chemin. Sur les hauteurs de Hamdallaye, il décide de retourner au stade quand il a croisé la foule. Il a eu le temps de prier avant l'arrivée des leaders. Suite à l'irruption des militaires, il dit avoir été pris à partie par un béret rouge. « Le premier problème est survenu lorsque j'ai rencontré un individu en béret rouge qui m'a violemment frappé au niveau de ma mâchoire droite avec son fusil, provoquant trois fractures. Ensuite, il m'a poignardé à la cheville avec la baïonnette de son fusil », a révélé Thierno Maadjou Sow en pleurs. Après avoir reçu tous ces coups, il a été secouru par les agents de l'ONG médecins sans frontière. Il est conduit à l'hôpital Donka avec des corps, a-t-il rappelé. De Donka à la clinique Mère et Enfant, il dit avoir passé trois ans dans les hôpitaux sans recouvrer sa santé. Il dit être pour la tenue du procès, mais pour lui, c'est le traitement des victimes qui est pour le moment primordial. Il a demandé au tribunal de se pencher sur cette question. Après sa déposition, la suite du procès a été renvoyée au 31 juillet.

Sékou Diatéya Camara

 

 

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