Le procès des événements du 28 septembre 2009 s’est poursuivi cette semaine. Et lundi déjà, l'interrogatoire de François Lounceny Fall a pris fin. L’homme d’Etat s’est réjoui d’avoir dit sa part de vérité dans ce dossier, avant d’exprimer ses attentes de ce procès.
L’ancien
premier ministre avait passé 4 journées à la barre du Tribunal criminel de
Dixinn délocalisé à la Cour d'Appel de Conakry. Au terme de son interrogatoire
ce lundi, il a dit toute sa satisfaction d’avoir témoigné sur ces crimes qui,
selon lui, le hantaient depuis 13 années. « J'avoue que c'est un grand
soulagement pour moi. Parce que pendant 13 années, j'ai attendu ce moment.
Étant un des leaders, ceux qui ont mobilisé les militants et militantes pour ce
meeting du 28 septembre, j'ai toujours considéré qu'il est de notre devoir de
venir devant ce tribunal d'abord. Parce que les crimes qui ont été commis sont
monstrueux. On a tué des dizaines de personnes. On a violé des dizaines et des
dizaines de femmes. Et des milliers de personnes blessées dans une
manifestation absolument pacifique, dans un enclos fermé. Donc, pendant 13 ans,
j'ai toujours souhaité donné devant un tribunal, ma part de vérité », a-t-il
déclaré à la presse.
Par la même
occasion, François Lounceny Fall a invité ses anciens compagnons à venir
donner, eux aussi, leur version des faits pour la manifestation de la vérité.
L’ancien acteur politique a aussi rappelé que notre pays a connu beaucoup de
crimes de masse, mais qui sont restés dans l’oubli. Puisqu’il y a un procès sur
les événements du 28 septembre 2009, il souhaite que ce moment serve à
réconcilier les Guinéens.
Avant la fin de son interrogatoire,
François Lounceny Fall a communiqué une photo au tribunal pour témoigner,
dit-il, de la violence dont certains leaders ont été victimes au stade de
Conakry.
Sur cette
photo, on aperçoit clairement des leaders comme Sidya Touré de l'UFR,
Jean-Marie Doré de l'UPG, Cellou Dalein Diallo et Bah Oury de l'UFDG, les têtes
à moitié rasées et portant des blessures. « Monsieur le président, si vous
regardez sur cette photo, vous verrez l'ampleur de la violence qui a été
infligée à certains leaders. Vous avez sur cette photo, au moins six acteurs
principaux, et comme vous verrez, chacun d'eux a des blessures graves sur la
tête. Parce qu'ils ont reçu des coups de cross. Quand on sait le rôle de la
tête sur l'organisme humain, vous pouvez vous imaginer que c'était quelque
chose qui pouvait donner des traumatismes crâniens », a regretté l’ancien diplomate.
Fall a précisé avoir reçu des coups sur la tête, même s'il n’a été blessé qu’au
niveau du coude.
François Lounceny Fall accompagné la
communication de cette photo, d’un témoignage sur la fin tragique d'une femme
violée.
L’ancien Premier
ministre a fait état de sa tristesse depuis samedi dernier. Il dit avoir appris
le décès d'une de ses militantes. Une militante violée au stade avant d'être
infectée du VIH. « Le lendemain du 28 septembre, Je suis allé dans sa famille.
Elle était mariée à un homme polygame. Quand nous sommes arrivés en plein jour,
sa coépouse s'est levée et a commencé à parler. Elle disait : ‘’voilà ce qui
est arrivé. C'est le reste des militaires. On a fait ce qu'on veut d'elle. Il
ne reste plus rien’’. Son mari était assis. Je ne savais pas où me mettre. Je
suis allé vers elle pour essayer de la calmer. Elle n'a pas voulu », a relaté
l'ancien ministre des Affaires étrangères.
Selon
François Lounceny Fall, cette dame subissait ce jour-là, une double
humiliation. Il a informé ensuite le tribunal du décès de cette victime et de
son mari, des suites d’infection liée au VIH Sida. Pour l'ancien acteur
politique, plusieurs autres femmes ont vécu ce sort. François Fall a encore une
fois demandé justice.
Au cours de la même journée, les
avocats du capitaine Moussa Dadis Camara ont tenté de titiller la partie civile
autour du rapport d'enquête nationale.
François
Lounceny Fall met en cause le contenu de ce rapport d’enquête nationale. Pour
lui, il a été rédigé à la demande des autorités du CNDD, sous le magister
desquelles, le massacre a été perpétré. Cependant, il approuve le contenu du
rapport de la commission d'enquête internationale. Me Pépé Antoine Lamah s’est
engouffré dans cette brèche pour confondre les déclarations de l'ancien
diplomate au contenu de ce rapport d'enquête internationale. L’avocat dit avoir
relevé des contradictions, notamment autour du rôle de Toumba au stade en marge
du massacre. Contrairement à Fall qui dit avoir été sauvé par Toumba Diakité,
le rapport d’enquête internationale indique que c’est lui qui dirigeait les
bérets rouges qui ont fait irruption au stade, selon l’avocat de Dadis.
Durant son interrogatoire, l’ancien
premier ministre n’a jamais cessé de parler de la nécessité de requalifier les
faits avant la fin du procès des événements du 28 septembre.
Ce procès
qui est en train de se dérouler en Guinée relève de la compétence de la Cour
pénale internationale. C’est ce qu’a toujours soutenu François Lounceny
Fall. Il pense que le dossier porte sur
des crimes contre l’humanité, donc dépassant les limites d’une juridiction
nationale. Toutefois, il ajoute que c’est au nom de la complémentarité que la
justice guinéenne gère ce dossier, très suivi selon lui, par la CPI. Fall se
dit certain qu’avant la fin de ce procès, il y aura une requalification des
faits. Ce tribunal juge un dossier qui est toujours inscrit au rôle de la CPI
dont elle s’est dessaisie en donnant plein droit à la Guinée au nom de la
complémentarité. Et la communauté internationale a l’œil sur Conakry, a insisté
l’ancien président du parti FUDEC
Une nouvelle partie civile était à la
barre ce mardi à la suite de François Lounceny Fall. Il s'agit d’Alpha Amadou
Baldé.
Alpha Amadou
Baldé est un commerçant né en 1977 à Kankalabé, dans la préfecture de Dalaba.
Dans la matinée du 28 septembre 2009, il dit s'être rendu au grand stade de
Conakry aux environs de 10 heures à l'appel des leaders des forces vives
nationales. Moins de 30 minutes après son arrivée, a-t-il expliqué, les tirs
commencent. Le quadragénaire dit avoir connu beaucoup de péripéties dans
l'enceinte du stade avant d'être interpellé par des militaires. Comme d'autres
manifestants, Alpha Amadou Baldé témoigne avoir été transporté au camp Alpha
Yaya Diallo dans un camion militaire. Lui et ses compagnons d'infortune, sont
d'abord présentés à la présidence comme étant des ennemis du pouvoir avant
d'être gardés dans les locaux des services spéciaux. Dans les mains des hommes
du colonel Moussa Tiegboro Camara, la victime affirme avoir été séquestré,
battu et privé de nourriture pendant 4 jours en compagnie d'autres
manifestants. Alpha Amadou Baldé révèle qu'au stade, il a vu des bérets rouges
et verts ainsi que de nombreux policiers. Il a également témoigné avoir vu des
femmes victimes de viols et de nombreux corps. Du camp Alpha Yaya Diallo, il
s'est retrouvé au PM3 où il a recouvré sa liberté grâce aux négociations qui
ont été engagées par son grand frère. En plus d'être séquestré, battu et
torturé jusqu'à la dégradation de sa santé, Alpha Amadou Baldé, dit avoir perdu
beaucoup d'objets comme des téléphones. Il demande à être dédommagé.
Qu’en est-il de l’implication
effective du colonel Moussa Tiegboro ou du capitaine Moussa Dadis Camara dans
les sévices corporels dont il a été victime ? La question a été posée.
La partie
civile n'affirme pas que l’ancien président du CNDD était sorti quand lui et
ses compagnons d'infortune ont été présentés à la présidence comme étant des
ennemis du pouvoir. Selon lui, quand il a levé sa tête pour voir ce qui se
passait, il a été roué de coups. Il a failli en mourir, a-t-il témoigné. Quant
au colonel Moussa Tiegboro Camara, a-t-il participé aux sévices corporels dont
il dit avoir été victime, Alpha Amadou Baldé n'affirme pas d'emblée, mais il le
tient en partie pour responsable. Les hommes de Tiegboro ne peuvent pas
torturer des gens pendant des jours au sein de son service sans qu'il ne soit
au courant, a-t-il soutenu. Dans les traditionnelles interviews que les avocats
accordent aux journalistes, Me Jean Moussa Sovogui, le conseil de cet officier
a réfuté ces allégations avant de parler d’un déficit de preuves.
Ousmane Diallo est le nom de la
victime qui a comparu mercredi pour clôturer les trois jours d’audition de la
semaine.
Ousmane
Diallo a expliqué au tribunal qu’il est allé au stade dans la matinée du 28
septembre aux environs de 8h pour écouter les leaders des Forces vives. De Bambéto
chez lui, à la terrasse, il dit n'avoir rien constaté de mal. C'est seulement à
10m du portail du stade qu'il a constaté un bus stationné à bord duquel il y
avait des civils. Il dit avoir aperçu le même bus au niveau du Palais des sports
dans la cour du stade. En dépit de la présence de cet engin, il poursuit son
chemin au même titre que d'autres manifestants. Selon Ousmane Diallo, il entre
au stade et trouve la tribune pleine. Il prend place dans la zone appelée
Sahara. Les uns dansaient en ce moment, les autres organisaient des carnavals
et priaient en attendant l'arrivée des leaders. Quelque temps après le début
des discours, il dit avoir entendu des tirs venant de partout. Des hommes en
uniforme avaient alors fini d'encercler le stade, a-t-il témoigné.
Avant de parler de la disparition de
son neveu, les témoignages de Ousmane Diallo sur la présence des militaires au
stade sont sans ambages.
Effectivement,
en plus des gendarmes et des policiers, Ousmane Diallo témoigne avoir vu des
militaires au béret rouge à l’intérieur du stade. Leur irruption a provoqué une
débandade, a-t-il relaté. En dépit des difficultés qu'il a rencontrées, il dit
être parvenu à sortir du stade, mais sur fond de bastonnade notamment de la
part des policiers. Lorsqu'elle était en train de sauver sa tête, la victime
dit avoir vu un civil portant une jacket, sortir un couteau et éventrer un
manifestant. En plus d'être lui-même
victime de coups et blessures au niveau des pieds et d'autres parties du corps
qui continuent de lui faire mal, Ousmane Diallo est également partie civile,
pour avoir perdu son neveu du nom de Mamadou Minka Diallo. En témoignant de la
disparition de ce dernier qui, selon lui, est fils unique, le couturier a fondu
en larmes à la barre. Du côté des accusés, la victime n'a mis personne à
l’index. Elle avait même affirmé qu'elle ignorait les agents qui l'ont agressé.
Son interrogatoire n’a duré qu’une demi-journée.
Le procès se
poursuit le 11 avril prochain pour la comparution de nouvelles parties civiles.
Une synthèse de Sékou Diatéya Camara