Procès du 28 septembre 2009 : Récapitulatif de la semaine du 3 avril 2023

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  • 07 avril 2023 08:55

  • Justice

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Le procès des événements du 28 septembre 2009 s’est poursuivi cette semaine. Et lundi déjà, l'interrogatoire de François Lounceny Fall a pris fin. L’homme d’Etat s’est réjoui d’avoir dit sa part de vérité dans ce dossier, avant d’exprimer ses attentes de ce procès.

L’ancien premier ministre avait passé 4 journées à la barre du Tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la Cour d'Appel de Conakry. Au terme de son interrogatoire ce lundi, il a dit toute sa satisfaction d’avoir témoigné sur ces crimes qui, selon lui, le hantaient depuis 13 années. « J'avoue que c'est un grand soulagement pour moi. Parce que pendant 13 années, j'ai attendu ce moment. Étant un des leaders, ceux qui ont mobilisé les militants et militantes pour ce meeting du 28 septembre, j'ai toujours considéré qu'il est de notre devoir de venir devant ce tribunal d'abord. Parce que les crimes qui ont été commis sont monstrueux. On a tué des dizaines de personnes. On a violé des dizaines et des dizaines de femmes. Et des milliers de personnes blessées dans une manifestation absolument pacifique, dans un enclos fermé. Donc, pendant 13 ans, j'ai toujours souhaité donné devant un tribunal, ma part de vérité », a-t-il déclaré à la presse.

Par la même occasion, François Lounceny Fall a invité ses anciens compagnons à venir donner, eux aussi, leur version des faits pour la manifestation de la vérité. L’ancien acteur politique a aussi rappelé que notre pays a connu beaucoup de crimes de masse, mais qui sont restés dans l’oubli. Puisqu’il y a un procès sur les événements du 28 septembre 2009, il souhaite que ce moment serve à réconcilier les Guinéens.

Avant la fin de son interrogatoire, François Lounceny Fall a communiqué une photo au tribunal pour témoigner, dit-il, de la violence dont certains leaders ont été victimes au stade de Conakry.

Sur cette photo, on aperçoit clairement des leaders comme Sidya Touré de l'UFR, Jean-Marie Doré de l'UPG, Cellou Dalein Diallo et Bah Oury de l'UFDG, les têtes à moitié rasées et portant des blessures. « Monsieur le président, si vous regardez sur cette photo, vous verrez l'ampleur de la violence qui a été infligée à certains leaders. Vous avez sur cette photo, au moins six acteurs principaux, et comme vous verrez, chacun d'eux a des blessures graves sur la tête. Parce qu'ils ont reçu des coups de cross. Quand on sait le rôle de la tête sur l'organisme humain, vous pouvez vous imaginer que c'était quelque chose qui pouvait donner des traumatismes crâniens », a regretté l’ancien diplomate. Fall a précisé avoir reçu des coups sur la tête, même s'il n’a été blessé qu’au niveau du coude.

François Lounceny Fall accompagné la communication de cette photo, d’un témoignage sur la fin tragique d'une femme violée.

L’ancien Premier ministre a fait état de sa tristesse depuis samedi dernier. Il dit avoir appris le décès d'une de ses militantes. Une militante violée au stade avant d'être infectée du VIH. « Le lendemain du 28 septembre, Je suis allé dans sa famille. Elle était mariée à un homme polygame. Quand nous sommes arrivés en plein jour, sa coépouse s'est levée et a commencé à parler. Elle disait : ‘’voilà ce qui est arrivé. C'est le reste des militaires. On a fait ce qu'on veut d'elle. Il ne reste plus rien’’. Son mari était assis. Je ne savais pas où me mettre. Je suis allé vers elle pour essayer de la calmer. Elle n'a pas voulu », a relaté l'ancien ministre des Affaires étrangères.

Selon François Lounceny Fall, cette dame subissait ce jour-là, une double humiliation. Il a informé ensuite le tribunal du décès de cette victime et de son mari, des suites d’infection liée au VIH Sida. Pour l'ancien acteur politique, plusieurs autres femmes ont vécu ce sort. François Fall a encore une fois demandé justice.

Au cours de la même journée, les avocats du capitaine Moussa Dadis Camara ont tenté de titiller la partie civile autour du rapport d'enquête nationale.

François Lounceny Fall met en cause le contenu de ce rapport d’enquête nationale. Pour lui, il a été rédigé à la demande des autorités du CNDD, sous le magister desquelles, le massacre a été perpétré. Cependant, il approuve le contenu du rapport de la commission d'enquête internationale. Me Pépé Antoine Lamah s’est engouffré dans cette brèche pour confondre les déclarations de l'ancien diplomate au contenu de ce rapport d'enquête internationale. L’avocat dit avoir relevé des contradictions, notamment autour du rôle de Toumba au stade en marge du massacre. Contrairement à Fall qui dit avoir été sauvé par Toumba Diakité, le rapport d’enquête internationale indique que c’est lui qui dirigeait les bérets rouges qui ont fait irruption au stade, selon l’avocat de Dadis.

Durant son interrogatoire, l’ancien premier ministre n’a jamais cessé de parler de la nécessité de requalifier les faits avant la fin du procès des événements du 28 septembre.

Ce procès qui est en train de se dérouler en Guinée relève de la compétence de la Cour pénale internationale. C’est ce qu’a toujours soutenu François Lounceny Fall.  Il pense que le dossier porte sur des crimes contre l’humanité, donc dépassant les limites d’une juridiction nationale. Toutefois, il ajoute que c’est au nom de la complémentarité que la justice guinéenne gère ce dossier, très suivi selon lui, par la CPI. Fall se dit certain qu’avant la fin de ce procès, il y aura une requalification des faits. Ce tribunal juge un dossier qui est toujours inscrit au rôle de la CPI dont elle s’est dessaisie en donnant plein droit à la Guinée au nom de la complémentarité. Et la communauté internationale a l’œil sur Conakry, a insisté l’ancien président du parti FUDEC

Une nouvelle partie civile était à la barre ce mardi à la suite de François Lounceny Fall. Il s'agit d’Alpha Amadou Baldé.

Alpha Amadou Baldé est un commerçant né en 1977 à Kankalabé, dans la préfecture de Dalaba. Dans la matinée du 28 septembre 2009, il dit s'être rendu au grand stade de Conakry aux environs de 10 heures à l'appel des leaders des forces vives nationales. Moins de 30 minutes après son arrivée, a-t-il expliqué, les tirs commencent. Le quadragénaire dit avoir connu beaucoup de péripéties dans l'enceinte du stade avant d'être interpellé par des militaires. Comme d'autres manifestants, Alpha Amadou Baldé témoigne avoir été transporté au camp Alpha Yaya Diallo dans un camion militaire. Lui et ses compagnons d'infortune, sont d'abord présentés à la présidence comme étant des ennemis du pouvoir avant d'être gardés dans les locaux des services spéciaux. Dans les mains des hommes du colonel Moussa Tiegboro Camara, la victime affirme avoir été séquestré, battu et privé de nourriture pendant 4 jours en compagnie d'autres manifestants. Alpha Amadou Baldé révèle qu'au stade, il a vu des bérets rouges et verts ainsi que de nombreux policiers. Il a également témoigné avoir vu des femmes victimes de viols et de nombreux corps. Du camp Alpha Yaya Diallo, il s'est retrouvé au PM3 où il a recouvré sa liberté grâce aux négociations qui ont été engagées par son grand frère. En plus d'être séquestré, battu et torturé jusqu'à la dégradation de sa santé, Alpha Amadou Baldé, dit avoir perdu beaucoup d'objets comme des téléphones. Il demande à être dédommagé.

Qu’en est-il de l’implication effective du colonel Moussa Tiegboro ou du capitaine Moussa Dadis Camara dans les sévices corporels dont il a été victime ? La question a été posée.

La partie civile n'affirme pas que l’ancien président du CNDD était sorti quand lui et ses compagnons d'infortune ont été présentés à la présidence comme étant des ennemis du pouvoir. Selon lui, quand il a levé sa tête pour voir ce qui se passait, il a été roué de coups. Il a failli en mourir, a-t-il témoigné. Quant au colonel Moussa Tiegboro Camara, a-t-il participé aux sévices corporels dont il dit avoir été victime, Alpha Amadou Baldé n'affirme pas d'emblée, mais il le tient en partie pour responsable. Les hommes de Tiegboro ne peuvent pas torturer des gens pendant des jours au sein de son service sans qu'il ne soit au courant, a-t-il soutenu. Dans les traditionnelles interviews que les avocats accordent aux journalistes, Me Jean Moussa Sovogui, le conseil de cet officier a réfuté ces allégations avant de parler d’un déficit de preuves.

Ousmane Diallo est le nom de la victime qui a comparu mercredi pour clôturer les trois jours d’audition de la semaine. 

Ousmane Diallo a expliqué au tribunal qu’il est allé au stade dans la matinée du 28 septembre aux environs de 8h pour écouter les leaders des Forces vives. De Bambéto chez lui, à la terrasse, il dit n'avoir rien constaté de mal. C'est seulement à 10m du portail du stade qu'il a constaté un bus stationné à bord duquel il y avait des civils. Il dit avoir aperçu le même bus au niveau du Palais des sports dans la cour du stade. En dépit de la présence de cet engin, il poursuit son chemin au même titre que d'autres manifestants. Selon Ousmane Diallo, il entre au stade et trouve la tribune pleine. Il prend place dans la zone appelée Sahara. Les uns dansaient en ce moment, les autres organisaient des carnavals et priaient en attendant l'arrivée des leaders. Quelque temps après le début des discours, il dit avoir entendu des tirs venant de partout. Des hommes en uniforme avaient alors fini d'encercler le stade, a-t-il témoigné.

Avant de parler de la disparition de son neveu, les témoignages de Ousmane Diallo sur la présence des militaires au stade sont sans ambages.

Effectivement, en plus des gendarmes et des policiers, Ousmane Diallo témoigne avoir vu des militaires au béret rouge à l’intérieur du stade. Leur irruption a provoqué une débandade, a-t-il relaté. En dépit des difficultés qu'il a rencontrées, il dit être parvenu à sortir du stade, mais sur fond de bastonnade notamment de la part des policiers. Lorsqu'elle était en train de sauver sa tête, la victime dit avoir vu un civil portant une jacket, sortir un couteau et éventrer un manifestant.  En plus d'être lui-même victime de coups et blessures au niveau des pieds et d'autres parties du corps qui continuent de lui faire mal, Ousmane Diallo est également partie civile, pour avoir perdu son neveu du nom de Mamadou Minka Diallo. En témoignant de la disparition de ce dernier qui, selon lui, est fils unique, le couturier a fondu en larmes à la barre. Du côté des accusés, la victime n'a mis personne à l’index. Elle avait même affirmé qu'elle ignorait les agents qui l'ont agressé. Son interrogatoire n’a duré qu’une demi-journée.

Le procès se poursuit le 11 avril prochain pour la comparution de nouvelles parties civiles.

Une synthèse de Sékou Diatéya Camara 

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