Le procès dit du «Massacre du 28-Septembre» sera fait de
rebondissements! Il ne faut pas être un rat des prétoires, encore moins savoir
lire dans une boule de cristal pour savoir que la vérité éclatera difficilement
ou ne sera peut-être jamais totalement connue dans le palais de justice
flambant neuf érigé pour le jugement du massacre commis en 2009, plus
précisément le 28 septembre, dans le grand stade éponyme de Conakry. Pourtant,
le bilan du drame de cette date marquée au rouge dans l’histoire de la Guinée
est bien lourd: plus de 150 tués et au moins 109 femmes violées. 13 ans après,
ces crimes à ciel ouvert perpétrés par des militaires qui ont lancé la machine
de répression sanglante contre des manifestants à main nue, ne semble pas avoir
de père.
En français facile, aucun des 10
accusés n’a rien fait! Pas même le capitaine Moussa Dadis Camara qui dirigeait
à l’époque, le pays, d’une main de fer, suite à sa prise de pouvoir par la
force, alors que passait de vie à trépas, le 22 décembre 2008, le général Lansana
Conté. Même Moussa Tiégboro Camara, l’ex secrétaire d’Etat chargé de la lutte
contre la drogue et le crime organisé, et aussi ancien patron des services
spéciaux en Guinée, n’a rien vu, n’a rien entendu. Il nie même avoir pénétré
dans l’enceinte du mythique stade, où le Syli national de Guinée a écrit les
belles pages de l’histoire du football africain. Moussa Tiégboro qui affirme
n’avoir vu un seul des 150 cadavres dénombrés suite à l’intervention musclée
des soldats, ni une femme violée, nie avoir reçu un quelconque ordre de qui que
ce soit pour mâter ces opposants à la candidature à la présidentielle du
capitaine Moussa Dadis Camara.
Qui donc a donné le là de ce
massacre dont la barbarie n’a eu d’égale que la fureur des soldats lancés comme
une meute de loups contre des agneaux dont les bergers ont dû être, exfiltrés,
selon ses propres dires par Moussa Tiégboro Camara? Si les co-accusés de Moussa
Dadis Camara, dont la demande de mise en liberté vient d’être rejetée par le
tribunal criminel de Dixinn, adoptent la même ligne de défense qui feraient
d’eux des amnésiques du drame du 28 septembre 2009, nul doute que le procès
n’échappera pas à la tradition des jugements de la même veine dont les présumés
auteurs ou présumés responsables, sentant le ciel leur tomber sur la tête, se
réfugient dans le refus de reconnaître et par ricochet d’assumer la laideur de
leurs actes. C’est dire combien sera long le chemin pour se rapprocher de la
vérité sur cette page sombre de l’histoire de la Guinée. Une histoire faite de
violations des droits de l’homme, de violences et de morts de coups d’Etat et
de répression de manifestations pacifiques.
La gouvernance par la force
aveugle, il en a été ainsi sous le règne de Feu Ahmed Sékou Touré, la
gouvernance controversée de Lansana Conté, le pouvoir de fer de Moussa Dadis
Camara, et les mandats, dont le troisième anticonstitutionnel, d’Alpha Condé,
l’opposant historique qui voulait devenir président à vie. Malheureusement, la
junte militaire actuellement au pouvoir à Conakry et son patron, le colonel
Mamady Doumbouya demeurent dans la même logique d’exactions contre les
populations, notamment des leaders politiques qui avaient, pourtant, applaudi à
tout rompre, son avènement. Et le procès du 28-Septembre dont l’issue censée permettre
aux parents et proches des victimes de faire enfin le deuil de leurs morts et
aux femmes violées de se sentir plus ou moins vengées, même si les souillures
qu’elles ont subies ce 28 septembre 2009 restent indélébiles sur leur corps et
dans leurs têtes.
En tout cas, s’il faut se réjouir
de l’ouverture de ce procès tant attendu du 28-Septembre, il faut en craindre
les péripéties politico-judiciaires, dans un contexte où les autorités
guinéennes s’en serviront inévitablement pour détourner l’attention des
populations de leur gestion de la transition, se donner bonne conscience auprès
du peuple et s’attirer la sympathie de l’opinion internationale si friande des
procès!
WS