Au bout de 15 jours d’un interrogatoire qui n’a pas amené Moussa Dadis Camara à reconnaître les nombreux chefs d’accusation portés à son encontre, le tribunal criminel de Dixinn a accueilli à sa barre l’accusé Colonel Blaise Gomou. Cet officier gendarme qui reconnaît avoir été au stade, rejette cependant les accusations mises à sa charge dans le cadre des évènements du 28 septembre 2009.
Cette semaine, le
capitaine Moussa Dadis Camara a de nouveau comparu devant le tribunal criminel
de Dixinn délocalisé à la Cour d'Appel de Conakry.
Il a fait face aux questions des avocats des parties civiles
au compte de la dernière phase de son long interrogatoire introductif. Face à
une question de Me Amadou Oury Diallo, Dadis n'a pas dit avec exactitude si la
Guinée a enregistré des morts le 28 septembre 1958 ou pas, parce que n'ayant
pas vécu l'époque, a-t-il expliqué. L'avocat affirme qu'il n'y a pas eu de
morts. Pour quelle raison avez-vous voulu faire du 28 septembre 2009 une
journée de recueillement et de pardon ? A enchainé Me Thierno Amadou Oury
Diallo. Le capitaine répond qu'il voulait réconcilier les fils du pays qui selon
lui, étaient divisés autour de leur propre histoire. Il a rappelé qu'il y a eu
un communiqué officiel à partir du ministre de l'administration, disant que la
journée du 28 septembre était une journée historique, décrétée, fériée, chômée
et payée. L’avocat lui avait reproché de n’avoir pas fait passer un communiqué
à la télévision nationale pour en informer le peuple de Guinée.
Dadis ne reconnaît
pas avoir donné de la drogue ou du vin à ses hommes pour aller tuer au stade.
C’est Me Amadou Oury Diallo qui a encore posé la question.
L'officier militaire reconnaît qu'aucun homme normal ne peut commettre un
massacre comme celui du 28 septembre 2009. A-t-il donc donné de la drogue à ses
hommes pour qu'ils se rendent au stade ? S'interroge l'avocat. Dadis répond par
la négative. Me Amadou Oury Diallo enchaîne avec une nouvelle question. Sachant
que la SOBRAGUI était à votre disposition, combien de tonnes de vins avez-vous
donné à la garde ce jour afin d’aller commettre ce massacre ? « La SOBRAGUI ne
relève pas de moi. Ceux qui veulent boire, pour avoir des casiers, sont libres
d'aller à la SOBRAGUI. Ce n'est pas à moi de prendre de la bière pour la donner
aux hommes », a rétorqué l'accusé. Il a été révélé selon l'avocat, qu'au temps
du CNDD, la Sobragui fournissait aux hommes de Dadis, une bonne quantité
d'alcool. Et d'ailleurs après le CNDD, a rappelé Me Amadou Oury Diallo, la
société avait voulu intenter une action en justice contre l'Etat pour se faire
payer. Parce que le CNDD lui restait devoir une somme de plus de 8 milliard de
francs guinéens. Il a été également révélé, ajoute l'avocat, que dans la nuit
du 27 au 28 septembre, les hommes de Dadis se sont saoulés toute la nuit.
Le capitaine Dadis
refuse toute confrontation avec son ancien aide de camp.
Le capitaine Moussa Dadis Camara ne souhaite pas du tout
être confronté à la barre avec son ancien aide de camp. Pour Dadis, il pouvait
accepter cette confrontation, si Toumba disait que c'est lui qui lui a donné
des ordres ou à d'autres militaires, d’aller au stade ou si Toumba disait que
c'est lui qui lui a fourni des armes. Pourtant, le commandant Aboubacar Sidiki
Diakité accuse bel et bien son ancien patron d'avoir fait déployer le capitaine
Marcel Guilavogui et ses hommes au stade, d'avoir fourni des armes et d'avoir
déclaré que le pouvoir est à terre, qu'il faut aller mater les manifestants, a
rappelé l’avocat. Pour Me Amadou Oury Diallo, Dadis donnerait raison à Toumba
Diakité si jamais, il refuse la confrontation avec ce dernier.
Des avocats de la
partie civile sollicitent la comparution de KPC
Le capitaine Moussa Dadis Camara a-t-il réquisitionné les
camions de KPC pour le transport des corps des victimes du massacre du 28
septembre 2009 ou pas ? La question a été posée par Me Amadou Oury Diallo.
C’est toujours cet avocat des parties civiles. L'ancien président du CNDD a
répondu par la négative. C'est ainsi que Me Diallo a sollicité auprès du
tribunal, la comparution de l'homme d'affaires autour de la réquisition de ses
camions. Selon lui, les camions qui ont été réquisitionnés n'ont pas été
conduits par les chauffeurs de KPC, mais plutôt par des militaires avec
l’intention de masquer toutes les traces.
Des avocats rapportent
le contenu de l’audio de celui qui se faisait passer pour un agent secret
angolais, Charlie Lumu. Et Dadis parle d’un « non-évènement ».
Depuis quelques jours, un audio circule sur les réseaux
sociaux. Il est attribué à un certain Charly Lumu, qui se fait passer pour un
agent secret angolais. Il confirme et fait des révélations autour de la
présence de l'ancien président du CNDD le 28 septembre 2009 à Marocana, non
loin du stade. Me Amadou Oury Diallo, un des avocats des parties civiles, a
parlé de cet audio lundi au capitaine Moussa Dadis Camara. « Est-ce que vous
savez qu'on a un agent secret angolais qui avait travaillé avec vous, qui
faisait partie du groupe qui a opéré et qui est prêt à faire une déposition
devant le tribunal » ? a-t-il interrogé, avant de préciser qu'il s'agit de
Charly Lumu. « Ça, c'est un non-évènement pour moi », a aussitôt réagi Dadis.
L'officier affirme qu'il n'a jamais signé un quelconque accord avec le
gouvernement angolais. Il dit n'avoir pas employé des agents secrets angolais
encore moins envoyé ceux de la Guinée en formation en Angola.
Des avocats de la
défense tentent de prouver la théorie du complot dont parle souvent Dadis, en
arguant l’implication de Bernard Kouchner. Ce que l’accusé lui-même refuse
catégoriquement.
Le capitaine Moussa Dadis Camara en avait gros sur le cœur
lundi notamment contre Me David Béavogui. La colère de l'ancien président du
CNDD est partie de cette question posée par cet avocat du capitaine Marcel
Guilavogui. Il a demandé à Dadis, en recevant des journalistes de France 24 à
son domicile au camp Alpha Yaya Diallo, qu'est-ce qu'il a voulu véhiculer comme
message ? L'accusé n'y a pas répondu clairement. Me David Béavogui renchérit,
en informant qu'au moment où cette interview se réalisait, Christine Ockrent
était la directrice générale de France 24. Il demande à Dadis s'il le savait ?
Le capitaine ne donne pas suite à sa question. Et plus loin il informe que
cette dame était l'épouse de Bernard Kouchner. Cette autre question n'a
nullement intéressé l’ancien commandant en chef des forces armées guinéennes.
L'avocat parle ensuite du rapport qui existait entre Alpha Condé et Bernard
Kouchner. « Je n'en veux pas à Bernard Kouchner. Ce qui s'est passé ici au
stade du 28 septembre, est-ce que Bernard Kouchner était là. Ce sont les
Guinéens qui étaient là. Donc, il faut qu'on ait cet esprit-là. C'est pour
cette raison que je ne parlerai pas de Bernard Kouchner. Je parle de mes frères
». Pour soutenir sa position, Me David tente de distribuer des pièces, mais sans
succès. Dadis hausse le ton et crie à la non-consultation. Son avocat Me Pépé
Antoine Lamah a fait état de son amertume. « Comprenez un peu la réaction du
capitaine Moussa Dadis Camara. Et la défense que je représente ici, voudrait
rappeler aux chers confrères que Dadis a des avocats, qu'il a constitué pour
assurer sa défense. S'ils ont des questions en lien avec leurs clients, qu'ils
les posent. Mais on ne demande pas l'appui de quelques confrères qu'ils soient
pour appuyer notre défense », a-t-il mis en garde.
Le procès des
événements du 28 septembre 2009 s’est poursuivi mardi. Il a été question de
l’audio attribué à Sidya Touré entre Me Lancinè Sylla et l’accusé.
C’est Me Lancinè Sylla qui a été le tout premier à
interroger le capitaine Moussa Dadis Camara. Les premières questions de
l’avocat étaient relatives à l'audio attribué à Sidya Touré, président de
l'UFR, versé au dossier par Moussa Dadis et ses avocats. L'avocat révèle qu'en
écoutant l'audio, on se rend compte que Sidya a été enregistré à son insu, et
qu'il ne voudrait pas que son nom soit cité. Pour Dadis, cela n'a aucune
importance. Il pense qu'il est devant un tribunal et le peuple de Guinée, qu'il
n'a donc pas besoin de faire de cadeau à qui que ce soit. Il demande à ce que
chacun assume sa responsabilité. « Il n'y a pas de peur dans ça », a-t-il
insisté. Sauf que l'avocat de Toumba lui demande encore s'il est au courant que
l'enregistrement d'une personne à son insu est une infraction à la loi pénale ?
En y répondant, Dadis indique que ce qui est important est que le peuple de
Guinée et le tribunal sachent que je ne suis pas en train de mentir. Cet audio
attribué au président de l'UFR fait allusion à l'absence à Conakry du général
Sékouba Konaté et Alpha Condé le 28 septembre 2009, pour soupçonner un certain
complot.
Du patriotisme de
Dadis et des 22 millions de dollars de la SAG. Un avocat tente de démontrer le
contraire
Le capitaine Moussa Dadis Camara a souvent mis en avant son
patriotisme pour avoir déclaré une somme de 22 millions de dollars qui lui
aurait été donnée par la SAG quand il était au pouvoir. Au compte de la
deuxième phase de son interrogatoire ce mardi, un des avocats de Toumba a tenté
démonter cette affirmation. Selon Me Lancinè Sylla, les 22 millions
constituaient l'impôt sur les sociétés que la SAG devait à la Guinée. Pour lui,
cet argent n'était nullement destiné à Dadis. L'avocat a même produit des
papiers en guise de preuve. Dadis a répondu que s'il n'était pas animé de
patriotisme, il aurait détourné cet argent.
Incident au procès
des événements du 28 septembre 2009. Le juge expulse un des avocats de Dadis.
Il s’agit de Me Pépé Koulémou. Cet avocat était en train de poser des
questions au compte de la deuxième phase de l'interrogatoire de son client,
quand il a affirmé que l'officier militaire a été plusieurs fois injurié
notamment par Me Paul Yomba Kourouma. Le juge s'est inscrit en faux avant de
lui demander d'arrêter. Et malgré l’insistance de Ibrahima Sory 2 Tounkara,
l'avocat n'a pas obtempéré. C'est donc ce qui a prévalu à son expulsion de la
salle d’audience. Et aussitôt Pé&pé Koulémou, des avocats membres du
conseil de l'ordre comme Me Jean Moussa Sovogui, ont demandé la suspension de
l'audience pour leur permettre de se pencher sur l'incident. À la reprise,
l'avocat expulsé n'est pas retourné dans la salle. Au nom du respect des droits
et de l'harmonie dans la défense de Dadis, Me Jocamey Haba a demandé le renvoi du
dossier pour permettre à Me Pépé Koulémou de finir son questionnaire. Le juge a
accepté ce renvoi, mais avant, il a assuré que l’incident était clos, et
n’aurait pas d’impact sur la défense du capitaine.
Mercredi,
l'interrogatoire du capitaine Moussa Dadis Camara a pris fin après avoir passé
15 jours à la barre. C’est l’interrogatoire préliminaire du colonel Blaise
Goumou qui s’en est suivi.
Le colonel Blaise Goumou est un officier de gendarmerie. Il
lui est reproché de faits d’assassinat, de meurtre, de complicité de viol, de
vol à mains armées et de coup et blessures volontaires. Il était environ midi,
mercredi, quand il a été appelé à la barre par le juge. Il commence par réfuter
les accusations, et comme ses co-accusés qui l’ont précédé à la barre, il a eu
droit à un exposé préliminaire. Avant d’aborder le fond du dossier, il a parlé
de sa formation militaire. De son recrutement en 1994 à la gendarmerie, au
parquet près le tribunal militaire, en passant par l'anti-drogue, il a
longtemps vanté ses qualités d’officier modèle. Après avoir évoqué son
parcours, l'officier gendarme a reconnu avoir rejoint le colonel Moussa
Tiegboro Camara qui selon lui, était en train de sensibiliser des manifestants.
Toutefois, leurs efforts auraient été entravés par l'arrivée de la garde
présidentielle. Cette garde présidentielle, constituée, a-t-il confié, de
bérets rouges arrivés sur place à bord de 4 à 5 pickups. « C'est Toumba qui
conduisait l’équipe. C'est également lui qui est descendu et est parti vers
l’intérieur du stade en faisant des tirs de sommation », a déclaré Blaise
Gomou. Qui a aussi répondu à des accusations de l’ancien aide de camp du
capitaine Moussa Dadis Camara. Toumba l'avait accusé d'être le principal
formateur au centre de Kaléya sous le CNDD. Il s'inscrit en faux avant
d’indiquer qu'en 2009, il était plutôt à l'antidrogue. L'accusé a ajouté que
c'est à la maison centrale que le capitaine Moussa Dadis Camara, le colonel
Claude Pivi et le colonel Bienvenue Lamah ont fait sa connaissance. Le colonel Blaise
Goumou ne reconnaît donc pas les faits qui lui sont reprochés. Il dit attendre
qu'on lui rapporte les preuves.
Sékou Diatéya Camara