La société minière RusAl se comporte comme en terrain conquis. Les mots ne sont pas trop forts pour décrire cette condescendance vis-à-vis d’un adolescent devenu aveugle, suite à un accident causé par le déraillement d’un train minéralier de la compagnie en 2007. Après s’être engagé à supporter l’éducation de l’enfant, à vie, RusAl s’est simplement dérobée à ses obligations, en toute impunité. Laissant Mamadou Djouldé Bah et sa famille sur le carreau.
Dossier d’enquête !
C’est un fait divers
pathétique, impliquant la société minière RusAl. On va camper le décor
En septembre 2007, un accident survenu à Gbantama, dans la
Préfecture de Dubréka, suite à un déraillement du train de transport des
produits caustiques de la société Friguia, a fait des victimes dont Mamadou
Djouldé Bah, qui a perdu ses deux yeux.
Il faut rappeler qu’à l’époque âgé de 13 ans, le petit
Djouldé en provenance de Bantiguel dans la Préfecture de Pita, était en
vacances auprès de sa tante. Il fut évacué d’urgence au CHU Donka, mais c’était
peine perdue car les organes vitaux de ses yeux avaient déjà été consumés par
la soude caustique.
RusAl a tenté de
prendre le taureau par les cornes, de peur d’être éclaboussée par cette affaire
très gravissime, surtout que les riverains menaçaient de s’en prendre à ses
installations…
Sous la menace des riverains de s’en prendre aux
installations et du fait que la Société Friguia ne souhaitait pas que cela soit
su du grand public, nos amis russes changent de stratégie. Et à travers son
service des relations communautaires, son Directeur Général M. Alexander
FEDOTOV décide de conclure le 6 mai 2008, un accord tripartite pour la garde et
l’éducation de l’enfant avec M. Kamano Jean Bobo, enseignant au centre des
aveugles et malvoyants de Conakry.
Du contenu du l’accord
passé entre la compagnie et le précepteur qui a accepté de prendre l’enfant
sous sa garde
Jusque-là, le souci apparent de RusAl, la holding de la
société Friguia, était selon des sources internes à la compagnie, d’assurer au
jeune homme, désormais aveugle et malade à vie, une bonne éducation. Et M. Amadou
Sara Bah, père de Mamadou Djouldé Bah, ignorant les droits à la réparation d’un
tel préjudice, accepte cette offre de RusAl. Tout comme M. Jean Bobo Kamano
aussi, acceptera de prendre le petit Djouldé sous sa garde personnelle.
Quelles en étaient
les clauses financières qui étaient assujetties, il faut le noter, au
désistement des parents de la victime ?
Sur les clauses financières, la société Friguia s’engage à
prendre en charge les frais de scolarité de l’enfant pendant tout le cycle
primaire. En contrepartie du désistement définitif de la famille, la société
Friguia s’engage à verser une allocation mensuelle de 500 mille GNF à M. Kamano
pour la garde et le suivi de l’enfant. L’entente entre les parties précise en
son article 2 que cette somme servira de frais de subsistance, de soins
médicaux et autres menues dépenses liées à la garde de l’enfant.
M. Jean Bobo Kamano, conformément aux termes de cet accord,
s’engage à prendre l’enfant en charge dans sa famille et d’assurer son
éducation, tant à la maison qu’à l’école. Il acceptera en plus la visite des
parents de Djouldé et des représentants de la société Friguia et informera la
compagnie Friguia ou les parents de tout incident ou toute altération grave de
l’état de santé de l’enfant dans un bref délai.
Et c’est contre toute
attente que la compagnie a mis un terme à cet accord en 2012, profitant de la
grève qui a plombé les activités de l’usine. Quel est l’argument que RusAl a
fait prévaloir, pour se dérober à ses obligations vis-à-vis de cet enfant
devenu aveugle de par leur faute ?
Par ailleurs l’article 3 de l’accord stipule une durée d’un
an renouvelable par tacite reconduction. Mais brusquement en 2012, sans
dénonciation mais faisant suite à la grève de ses travailleurs la société
Friguia, RusAl a suspendu le paiement de cette prime sans aucune autre forme
d’explication connue de l’enquête.
Peut-on savoir ce
qu’est devenu Mamadou Djouldé depuis 2012 ?
Cet accord étant soumis au droit guinéen et qui dispose
qu’il peut être résilié si l’une ou l’autre des parties manque à ses
engagements, sans y apporter de remède dans un délai d’un mois, le jeune
Mamadou Djouldé Bah a été refoulé dans la nature. Et depuis, ce fils de petit
paysan, les yeux imbibés de larmes, n’arrête pas d’arpenter des ministères et
des rues de la capitale pour solliciter le secours des bonnes volontés, afin
qu’il puisse poursuivre ses études et le traitement de sa déficience visuelle.
En vain.
Akoumba Diallo