Longtemps considérée comme une simple zone de transit, l’Afrique de l’Ouest et du Centre est aussi devenue une région de forte consommation de drogues, selon un rapport de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) publié en juin.
L'ONUDC précise « qu'entre 2019 et 2022 (...) au moins
57 tonnes de cocaïne ont été saisies en Afrique de l'Ouest ou en route vers
cette région, principalement au Cap Vert (16,6 tonnes), au Sénégal (4,7
tonnes), au Bénin (3,9 tonnes), en Côte d’Ivoire (3,5 tonnes), en Gambie (3
tonnes) et en Guinée Bissau (2,7 tonnes) ».
Dernièrement, trois cents kilogrammes de cocaïne, d'une
valeur de près de 24 milliards F CFA, ont été saisis au Sénégal dans un camion
frigorifique en provenance du Mali voisin, a annoncé la direction générale des
douanes. « Il s’agit de la plus grosse saisie de cocaïne par voie
terrestre jamais réalisée par les douanes sénégalaises », indique-t-elle
dans un communiqué publié dimanche soir.
Depuis plusieurs années, l'Afrique de l'Ouest est devenue
une zone de transit pour les drogues produites en Amérique latine et destinées
à l'Europe.
La saisie a eu lieu samedi à Kidira, une localité à la
frontière malienne. "La marchandise prohibée se trouvait dans une cachette
aménagée d’un camion frigorifique immatriculé au Mali et en partance pour
Dakar", précise le communiqué. Les deux conducteurs du camion ont été
appréhendés après la saisie de la marchandise.
Des devises - dollars, francs CFA, francs guinéens, leones
et ouguillas (monnaies sierra-léonaise et mauritanienne, respectivement) - ont
été également saisies sur les deux convoyeurs.
Le Mali, pays sans ouverture sur la mer, fait venir et
envoie nombre de ses marchandises par le port de Dakar. Plusieurs dizaines de
camions traversent chaque jour la frontière pour transporter des produits au
Sénégal.
Saisie record à
Abidjan
Avant l’exploit des douaniers sénégalais, les autorités
ivoiriennes ont effectué une saisie record
les 15 et 21 avril derniers, à Abidjan, capitale économique, et à San
Pedro, ville portuaire et balnéaire de l’ouest de la Côte d’Ivoire : deux
tonnes de cocaïne. Plus précisément : 2 059 kilos et 57 grammes, pour une
valeur marchande d’environ 62 millions d’euros.
Depuis, une trentaine d’individus – des Ivoiriens, des
Français, des Libanais, des Espagnols, des Colombiens, des Portugais, des
Marocaines – ont été interpellés, mis en examen et placés en détention
provisoire. Parmi ceux-là figurent un haut responsable de la police criminelle,
des hommes d’affaires exerçant dans le milieu de la pâtisserie et de la
boulangerie, du bâtiment, de l’hôtellerie et de la sécurité privée Les avoirs
de certains ont été gelés.
Ces deux affaires combinées apportent du crédit aux conclusions
du rapport de l’ONUDC intitulé « Rapport Mondial sur les Drogues :
l’Afrique de l’Ouest et du Centre dans le cercle vicieux entre drogues et
conflits ».
Consommation en
hausse au Sénégal
« Si 90% de la cocaïne saisie dans le monde suit les
routes maritimes, d’importantes saisies enregistrées au Niger (214kg), au
Burkina Faso (115kg) et au Mali (33,9kg) depuis 2021, démontrent que la route
sahélienne reste une zone de transit relativement importante. Les arrestations
en Afrique de l'Ouest associées à des saisies record de cette drogue dans la
région suggèrent également que le trafic en dehors de la zone de conflit du
Sahel pourrait financer les groupes armés qui y opèrent. Plusieurs individus
soupçonnés d'être impliqués dans des saisies de cocaïne dans les pays côtiers
d'Afrique de l'Ouest, notamment en Guinée Bissau, en Gambie et en Côte
d’Ivoire, détenaient par exemple des passeports de pays sahéliens », y
lit-on.
Trois tendances et substances sont particulièrement
préoccupantes, relève l’ONUDC : la cocaïne dont 53 tonnes ont été saisies de
2019 à 2021 en ou à destination de l’Afrique de l’Ouest ; le Haschich avec 57
tonnes saisies en 2021 ; et le Tramadol dont 77% des saisies mondiales ont été
effectuées en Afrique de l’Ouest pour la période de 2015 à 2019.
La consommation de cette drogue en Afrique de l’ouest est,
également, en hausse. Notamment au Sénégal. « Nous estimions avoir,
par exemple, près de 10 000 toxicomanes au Sénégal, mais les derniers chiffres
de prise en charge font état de plus de 24 000 personnes et je pense que, d’ici
à deux ans, elles seront plus de 50 000. Avant, nous observions que 5% à 8% de
la cocaïne qui transitait dans la région, restait sur place, mais aujourd’hui
ce chiffre est passé à 10%-17%. Cela indique qu’il y a une base de
consommateurs qui se développe au niveau régional et c’est une grande source
d’inquiétude », relevait Amado Philip de Andrés, directeur régional de
l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) pour l’Afrique
de l’Ouest et l’Afrique centrale, dans un entretien accordé à RFI, le 22
janvier 2022.
Source :
Seneweb.com