Les résultats de la présidentielle au Libéria sont connus. Comme
l’avaient déjà annoncé les sondages, ce sont les deux poids-lourds que sont le
président sortant, George Weah et son opposant, Joseph Boakai, qui caracolent
en tête avec respectivement 43, 79% et 43, 49% des suffrages exprimés. Ainsi
donc, il y aura, comme en 2017, un second tour qui opposera les deux
adversaires de longue date, à moins que d’éventuels recours n’en apportent la
preuve contraire. Cela dit, on ne peut que se féliciter de ce que, contrairement
à ce que l’on constate sous d’autres cieux, la publication des résultats de la
présidentielle n’ait pas donné lieu à des scènes de violences au Libéria. C’est
tout à l’honneur des acteurs politiques libériens qui ont su faire montre de
responsabilité et de maturité. Car, le Liberia qui revient de loin, aurait pu
toucher le fond si les turpitudes de ses fils et filles, l’avaient plongé dans
une crise post-électorale. En tout cas, tous ceux qui voudraient la preuve que
les Libériens croient en la démocratie, en ont désormais une.
C’est le lieu de tresser des lauriers à la Commission électorale qui a
su rester à équidistance des chapelles politiques
Car, au Gondwana, un second tour
avec un président sortant candidat à sa propre succession, n’est pas
envisageable si bien que généralement, le nom du vainqueur à la présidentielle
est connu avant même l’ouverture des bureaux de vote. Les exemples sont légion
sur le continent africain, notamment dans sa sphère francophone où bien des
dirigeants refusent de s’imaginer une autre vie en dehors du pouvoir. Si fait
qu’ils passent leur temps à tripatouiller les Constitutions de leurs pays
respectifs. En conséquence, bien des élections débouchent sur des violences
avec en prime le déchirement du tissu social. Mais en concédant un second tour
en dépit de sa qualité de président sortant, George Weah montre la voie à
suivre à bien des chefs d’Etat africains pour qui on n’organise pas des
élections pour les perdre. Mieux, il a ordonné que tous ceux qui, y compris les
siens, sont accusés de fraude électorale, soient arrêtés et jugés. C’est le
lieu aussi de tresser des lauriers à la Commission électorale qui a fait un travail
remarquable et a su rester à équidistance des chapelles politiques au point
qu’aucun candidat ne l’a accusée de rouler pour tel ou tel camp. Sous d’autres
cieux, elle cristallise toutes les attentions quand le choix de ses dirigeants
ne fait pas l’objet d’une bataille rangée. On l’a vu en République démocratique
du Congo (RDC) où le pouvoir et l’opposition ont passé le temps à se crêper le
chignon autour de la composition de la Commission électorale nationale
indépendante (CENI), en rajoutant ainsi au climat de suspicion déjà
préexistant. En tout cas, après un premier tour dont le déroulement a été
globalement apprécié par les observateurs internationaux, le Liberia n’a pas
droit à l’erreur.
L’exploit en football ne garantit pas toujours le succès en politique
Il doit garder la tête haute et
cela, même après la proclamation des résultats du second tour qui promet d’être
très serré entre George Weah et son principal challenger. En effet, s’il est
vrai que le président sortant jouit d’une grande popularité auprès de la
jeunesse, force est de reconnaître qu’après son premier mandat, il a fait de
nombreux déçus, notamment à cause de certaines de ses promesses non tenues. Non
seulement les conditions de vie des couches défavorisées ne se sont pas améliorées,
mais aussi la corruption qu’il avait promis de combattre, a manifestement
progressé au point que Washington n’a pas hésité à sanctionner cinq hauts
responsables libériens dont un proche de George Weah. Surfant donc sur les
problèmes de gouvernance de son adversaire, l’opposant Joseph Boakai a ratissé
large en nouant des alliances avec des barons locaux dont l’ex-seigneur de
guerre et sénateur, Prince Johnson qui, pourtant, avait soutenu George Weah en
2017. Certes, il est vrai qu’en politique, 2 x 2 ne donnent pas forcément 4
comme en algèbre, mais au regard de la donne actuelle, on peut dire que George
Weah a du mouron à se faire ; tant il n’est pas sûr de réussir son pénalty
comme à la dernière compétition. Il a beau chausser les crampons et faire des
dribbles, il lui sera difficile de remporter le match ; tant il semble esseulé.
Comme quoi, l’exploit en football ne garantit pas toujours le succès en
politique.
« Le Pays »