Le Sénégal retient son souffle, les yeux tournés vers une
présidentielle qui s’annonce simplement explosive. Mais la marmite remplie de
tous les ingrédients détonateurs à souhait va-t-elle exploser avant la date
décisive de cette présidentielle? Une élection qui est, en réalité, la toile de
fond de ces procès qui peuvent briser le rêve du remuant leader du parti Les
Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité
(Pastef). En effet, Ousmane Sonko, joue son présent et surtout son avenir
politique dans cette double confrontation avec la justice de son pays. Dans le
jugement de la plainte du ministre sénégalais du Tourisme, Mame Mbaye Niang
qu’il avait accusé d’avoir été cité dans un rapport de l’Inspection générale
d’Etat pour détournements, Ousmane Sonko risque gros. Dans l’affaire qui
l’oppose à Adji Sarr, l’employée du salon de massage Sweet Beauty qui l’accuse
de viols et de menaces de mort, Ousmane Sonko risque également très gros.
Ce qui est très embêtant pour le
maire de Ziguinchor qui, en cas de condamnation, ferme ou même par sursis,
pourrait dire adieu à la présidentielle du 25 février 2024, pour laquelle il
constitue un challenger de gabarit XXL pour le pouvoir sortant. Qu’il se
retrouve face à un quidam de l’Alliance pour la République (APR, pouvoir) ou
Macky Sall à qui il est prêté, à tort ou à raison, une intention de flirt
poussé avec le très séducteur troisième mandat, Ousmane Sonko est présenté par les
bookmakers politiques comme le vainqueur de cette compétition qui bat déjà son
plein avant l’heure. C’est donc le véritable enjeu de ces procès qui
passionnent et plongent Dakar dans une atmosphère bien épicée où le gaz
lacrymogène est servi à gogo à l’opposant et ses militants, par des forces de
l’ordre dans une forme olympique! Tout porte à croire que ni le pouvoir, encore
moins l’opposition, ne comptent lâcher prise, d’où la crainte d’une
radicalisation des postures, qui ne servira pas forcément un Sénégal certes
habitué à ses périodes pré-électorales électriques.
Une fois de plus, la comparution
d’Ousmane Sonko, ce 16 février, a tenu toutes ses promesses dans un show devenu
classique, mené par les policiers et des manifestants à cran. Que réserve le 30
mars prochain au pays de la Teranga, alors que ce troisième report est le
dernier de ce procès entre le poil à gratter du pouvoir Sall et Mame Mbaye
Niang? En tout cas, la vingtaine de conseils sénégalais et le cabinet burkinabè
Kam et Somé, représenté par le brillant avocat Hervé Kam, viennent de recevoir
du renfort venu d’ailleurs. De même, l’APR appelle ses partisans à organiser la
réplique à ceux de l’opposition que le pouvoir accuse d’exécuter un plan
savamment tissé pour rendre le pays ingouvernable. Les prochains jours ne
seront pas des plus tranquilles dans les rues de la capitale sénégalaise où les
manifestations sont plus violentes que dans les autres villes du pays. Alors
que les politiciens tiennent en otage tout une nation par justice interposée,
c’est l’heure de se poser la véritable question: où place-t-on l’intérêt
général quand seul prévaut l’objectif d’arracher ou de conserver le fauteuil
présidentiel au risque de mettre le pays à feu et à sang?
Autant on peut reprocher à
Ousmane Sonko de chauffer à blanc la foule dans le but d’échapper au glaive de
la justice, autant il faut regretter ce sport malsain de plus en pratiqué par
tous les dirigeants africains pour mettre hors-jeu leurs rivaux politiques.
L’instrumentalisation de l’appareil judiciaire est devenue une puissante arme
de destruction de l’opposition. Difficile d’imaginer le contraire dans ce
feuilleton politico-judiciaire qui agite, et secouera certainement le Sénégal,
pendant encore une bonne année. Une démocratie hautement inflammable!
WS