Ce n’est ni plus ni moins qu’un carton rouge que la Cour des comptes a
infligé à la Société navale de Guinée. Son rapport dont les lignes de force ont
été égrenées, a laissé pantois de nombreux auditeurs de Mirador. Toutefois, la
Cour des comptes de Guinée ne s’est pas bornée à détricoter la gestion débridée
qui, des années durant, a eu droit de cité au sein de la SNG. Pour soigner ce
grand corps malade, à l’image d’un toubib, l’institution gardienne des finances
publiques, a prescrit des remèdes comme le respect scrupuleux des règles et
procédures non seulement de passation, mais aussi d’exécution des marchés
publics. Avant d’en venir aux recommandations de la Cour des comptes,
continuons à nous indigner du sort réservé, entre autres, au projet de la gare
maritime de Sandervalia dont le coût a doublé, sans la finition de ses travaux
à temps.
Plus de 13 milliards de contrats passés le même jour autour du port sec
de Kagbèlen
En ce qui concerne le port
de Kagbélen, en 2015, la SNG a conclu trois contrats concernant trois lots
d’aménagement. Primo, la construction du bloc administratif, hangar de repos,
toilettes et guérite pour 4,37 milliards GNF (contrat du 21 décembre
2015). Secundo la construction de la station-service avec le garage d’entretien
et baie de lavage pour un montant de 2,90 milliards GNF (contrat du 21
décembre 2015). Tertio l’aménagement de voirie et réseaux divers pour un Coût
de 6,06 milliards (contrat du 21 décembre 2015).
Pour les juges de la Cour
des Comptes, tous ces marchés de travaux ont été signés le même jour. Alors que
le grand livre des comptes mentionne un total de 13,35 milliards concernant les
travaux d’aménagement du port sec en 2015, le cumul des montants contractuels
donne un total de GNF 13,34 milliards.
La CBG reste devoir de près de 90 milliards GNF à la SNG, le
recouvrement compromis
Parmi les débiteurs de la
SNG, la CBG reste devoir une importante somme dont le recouvrement est
compromis depuis 2011. En 2016, la répartition des créances sur la clientèle
indique que la CBG est débitrice de 88,81 milliards sur un solde total de la
balance qui s’élève à 124,33 milliards, soit 71,43% de toutes les créances sur
la clientèle de la SNG. Rappelons que la CBG est une société anonyme dans
laquelle l’État guinéen est actionnaire à 49%.
…plus de 14,5 millions USD confisqué par l’ANAIM à la SNG
Il existe une clé de
répartition des redevances payées par les armateurs ou leurs
consignataires entre la SNG (90% à Conakry et 20% à Kamsar) et la Direction
Nationale de la Marine Marchande (10% à Conakry et 80% à Kamsar) conformément à
l’arrêté de 2011. Le shipping royalty devant être perçu au port de Kamsar est
facturé par la SNG mais son recouvrement est fait par l’ANAIM depuis février
2011. Du point de vue juridique, l’ANAIM n’existe plus si on s’en tient à
l’arrêté A/2010/2233/MMG du 16 juin 2010, portant remplacement de l’Agence
Nationale d’Aménagement des Infrastructures Minières par la société nationale
des infrastructures minières (SNIM).
L’enquête indique aussi que les
armateurs paient la redevance sur le compte du Fonds d’Amortissement du port de
Kamsar à Pittsburg (USA) qui est un compte appartenant à l’ANAIM dont
l’ordonnateur principal est le directeur général de l’ANAIM. La Cour des
Comptes n’a pas contrôlé la régularité de ces mouvements de fonds sur ce compte
à Pittsburg.
Cependant, elle note que
les montants dus à la SNG et au Fonds maritime régional géré par la DNMM sont
indument bloqués par l’ANAIM. A ce jour, le litige entre la CBG, l’ANAIM et la
SNG n’est toujours pas réglé. Or l’ANAIM perçoit les paiements du shipping
royalty du port de Kamsar, mais elle refuse de restituer à la SNG les montants
correspondants, selon la SNG. Depuis mars 2011 les redevances maritimes
(shipping royalties) facturées par la SNG et payées par les armateurs qui
fréquentent le port de Kamsar sont retenues par la direction générale de
l’ANAIM. A ce jour, le manque à gagner dans la comptabilité de la société est
de plus 14,5 millions USD
Des recommandations à l’attention des dirigeants de la SNG
Dans son paquet de
recommandations, la Cour des Comptes espère une mise en conformité des statuts
de l’entreprise avec la loi n°075 portant gouvernance financière des sociétés
et établissements publics en ce qui concerne la direction générale et le
conseil d’administration, l’amélioration de la composition de la commission
d’inventaire du patrimoine en fin d’exercice.
Pour la sécurité juridique
et financière des décisions de la direction générale la SNG, la Cour des
Comptes insiste sur la mise en place et le fonctionnement effectif des Comités
et commissions de travail prévus par les manuels de procédures. Mais aussi la
recomposition du conseil d’administration en ce qui concerne la compétence de
l’autorité de nomination, le mandat du conseil d’administration et le choix du
président du conseil d’administration.
Malgré l’audit en 2016 par
l’Inspection Générale des Finances portant sur des actions et dividendes de
l’État au niveau de la SNG pour les exercices 2011 à 2015 et qui a mis en
évidence qu’en 2011 et 2013 des paiements partiels ont été enregistrés au
profit du Trésor public, il est cependant à déplorer par contre que de 2012 à
2015, les dividendes n’ont pas été payés.
Aussi, il est indispensable,
au sens de la Cour des Comptes, de mettre en œuvre les résultats de l’audit
interne, le paiement de dividendes dus à l’État guinéen conformément aux
prescriptions des statuts et en vue d’une meilleure lisibilité de la
comptabilité de la SNG. Ainsi, la Cour des Comptes recommande
fortement la séparation des comptes de la SNG de ceux de la Marine
Marchande concernant le fonds maritime régional. Tout comme la mise en
œuvre d’un mécanisme de contrôle interne de facturation du shipping royalty, de
faire uniformiser les contenus des manifestes et de faire certifier ces
manifestes par les armateurs. Qu’il soit appliqué aux consignataires
défaillants les sanctions prévues en cas de retard ou de défaut de paiement du
shipping royalty (95,13% du chiffre d’affaires en 2016).
Plus loin, les enquêteurs
sollicite l’ouverture de toutes les voies contentieuses en vue du recouvrement
de la créance sur la CBG figure aussi parmi les recommandations de la Cour.
Sans oublier l’application du manuel de procédures sur la gestion de la
trésorerie élaborée depuis novembre 2014, que des paiements au-delà d’un
certain montant soient autorisés par le conseil d’administration en vue de
sécuriser les opérations financières, surtout que l’actuel manuel de procédures
ne fixe pas de seuil.
Notons qu’en plus de
l’appel pour le respect des dispositions du code de travail en faveur des 166
travailleurs temporaires et permanents, d’un régime indemnitaire, la
justification des dépenses d’exploitation par la production exhaustive des
pièces, l’amortissement de la valeur du navire et de la mise en place d’une
régie des recettes, afin de contrôler leur encaissement, la Cour des Comptes
propose celui scrupuleux des règles et procédure de passation et exécution des
marchés publics pour tout achat de fonctionnement ou opération
d’investissement.
Enquête Mirador