Société navale de Guinée : quand l’embrouillamini financier dépasse l’entendement ! (Enquête- fin)

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  • 05 mai 2021 12:05

  • Politique

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Ce n’est ni plus ni moins qu’un carton rouge que la Cour des comptes a infligé à la Société navale de Guinée. Son rapport dont les lignes de force ont été égrenées, a laissé pantois de nombreux auditeurs de Mirador. Toutefois, la Cour des comptes de Guinée ne s’est pas bornée à détricoter la gestion débridée qui, des années durant, a eu droit de cité au sein de la SNG. Pour soigner ce grand corps malade, à l’image d’un toubib, l’institution gardienne des finances publiques, a prescrit des remèdes comme le respect scrupuleux des règles et procédures non seulement de passation, mais aussi d’exécution des marchés publics. Avant d’en venir aux recommandations de la Cour des comptes, continuons à nous indigner du sort réservé, entre autres, au projet de la gare maritime de Sandervalia dont le coût a doublé, sans la finition de ses travaux à temps.

  Pour la Cour des Comptes, en dépit du surcroît de financement du marché des travaux, engendrés par des conditions de passation et d’exécution des travaux non appropriées, et par un montant d’avenant qui dépasse les limites fixées par le Code des marchés publics, la gare maritime de Sandervalia, inaugurée depuis le 8 octobre 2015, n’était pas rendue opérationnelle. Elle  soutient que le projet de construction de cette gare, initialement évalué à 16,93 milliards GNF pour un délai d’exécution de 7 mois, est toujours en cours de réalisation à travers un contrat d’avenant de 6,18 milliards et un 3èmecontrat des travaux pour son prolongement d’un montant de 16,16 milliards GNF. Soit un coût cumulé de 39,28 milliards, pour le même projet inachevé au moment de la revue par la Cour des Comptes.

Plus de 13 milliards de contrats passés le même jour autour du port sec de Kagbèlen

 En ce qui concerne le port de Kagbélen, en 2015, la SNG a conclu trois contrats concernant trois lots d’aménagement. Primo, la construction du bloc administratif, hangar de repos, toilettes et guérite pour 4,37 milliards  GNF (contrat du 21 décembre 2015). Secundo la construction de la station-service avec le garage d’entretien et baie de lavage pour un montant de 2,90 milliards  GNF (contrat du 21 décembre 2015). Tertio l’aménagement de voirie et réseaux divers pour un Coût de 6,06 milliards  (contrat du 21 décembre 2015).

 Pour les juges de la Cour des Comptes, tous ces marchés de travaux ont été signés le même jour. Alors que le grand livre des comptes mentionne un total de 13,35 milliards concernant les travaux d’aménagement du port sec en 2015, le cumul des montants contractuels donne un total de GNF 13,34 milliards.

 La CBG reste devoir de près de 90 milliards GNF à la SNG,  le recouvrement compromis

 Parmi les débiteurs de la SNG, la CBG reste devoir une importante somme dont le recouvrement est compromis depuis 2011. En 2016, la répartition des créances sur la clientèle indique que la CBG est débitrice de 88,81 milliards sur un solde total de la balance qui s’élève à 124,33 milliards, soit 71,43% de toutes les créances sur la clientèle de la SNG. Rappelons que la CBG est une société anonyme dans laquelle l’État guinéen est actionnaire à 49%.

 …plus de 14,5 millions USD confisqué par l’ANAIM  à la SNG  

 Il existe une clé de répartition des redevances  payées par les armateurs ou leurs consignataires entre la SNG (90% à Conakry et 20% à Kamsar) et la Direction Nationale de la Marine Marchande (10% à Conakry et 80% à Kamsar) conformément à l’arrêté de 2011. Le shipping royalty devant être perçu au port de Kamsar est facturé par la SNG mais son recouvrement est fait par l’ANAIM depuis février 2011. Du point de vue juridique, l’ANAIM n’existe plus si on s’en tient à l’arrêté A/2010/2233/MMG du 16 juin 2010, portant remplacement de l’Agence Nationale d’Aménagement des Infrastructures Minières par la société nationale des infrastructures minières (SNIM).

L’enquête indique aussi que les armateurs paient la redevance sur le compte du Fonds d’Amortissement du port de Kamsar à Pittsburg (USA) qui est un compte appartenant à l’ANAIM dont l’ordonnateur principal est le directeur général de l’ANAIM. La Cour des Comptes n’a pas contrôlé la régularité de ces mouvements de fonds sur ce compte à Pittsburg.

 Cependant, elle note que les montants dus à la SNG et au Fonds maritime régional géré par la DNMM sont indument bloqués par l’ANAIM. A ce jour, le litige entre la CBG, l’ANAIM et la SNG n’est toujours pas réglé. Or l’ANAIM perçoit les paiements du shipping royalty du port de Kamsar, mais elle refuse de restituer à la SNG les montants correspondants, selon la SNG. Depuis mars 2011 les redevances maritimes (shipping royalties) facturées par la SNG et payées par les armateurs qui fréquentent le port de Kamsar sont retenues par la direction générale de l’ANAIM. A ce jour, le manque à gagner dans la comptabilité de la société est de plus 14,5 millions USD

 Des recommandations à l’attention des dirigeants de la  SNG

 Dans son paquet de recommandations, la Cour des Comptes espère une mise en conformité des statuts de l’entreprise avec la loi n°075 portant gouvernance financière des sociétés et établissements publics en ce qui concerne la direction générale et le conseil d’administration, l’amélioration de la composition de la commission d’inventaire du patrimoine en fin d’exercice.

 Pour la sécurité juridique et financière des décisions de la direction générale la SNG, la Cour des Comptes insiste sur la mise en place et le fonctionnement effectif des Comités et commissions de travail prévus par les manuels de procédures. Mais aussi la recomposition du conseil d’administration en ce qui concerne la compétence de l’autorité de nomination, le mandat du conseil d’administration et le choix du président du conseil d’administration.

 Malgré l’audit en 2016 par l’Inspection Générale des Finances portant sur des actions et dividendes de l’État au niveau de la SNG pour les exercices 2011 à 2015 et qui a mis en évidence qu’en 2011 et 2013 des paiements partiels ont été enregistrés au profit du Trésor public, il est cependant à déplorer par contre que de 2012 à 2015, les dividendes n’ont pas été payés.

Aussi, il est indispensable, au sens de la Cour des Comptes, de mettre en œuvre les résultats de l’audit interne, le paiement de dividendes dus à l’État guinéen conformément aux prescriptions des statuts et en vue d’une meilleure lisibilité de la comptabilité de la SNG.  Ainsi, la Cour des Comptes recommande  fortement la séparation des comptes de la SNG de ceux de la Marine Marchande concernant le fonds maritime régional.  Tout comme la mise en œuvre d’un mécanisme de contrôle interne de facturation du shipping royalty, de faire uniformiser les contenus des manifestes et de faire certifier ces manifestes par les armateurs. Qu’il soit appliqué aux consignataires défaillants les sanctions prévues en cas de retard ou de défaut de paiement du shipping royalty (95,13% du chiffre d’affaires en 2016).

 Plus loin, les enquêteurs sollicite l’ouverture de toutes les voies contentieuses en vue du recouvrement de la créance sur la CBG figure aussi parmi les recommandations de la Cour. Sans oublier l’application du manuel de procédures sur la gestion de la trésorerie élaborée depuis novembre 2014, que des paiements au-delà d’un certain montant soient autorisés par le conseil d’administration en vue de sécuriser les opérations financières, surtout que l’actuel manuel de procédures ne fixe pas de seuil.

 Notons qu’en plus de l’appel pour le respect des dispositions du code de travail en faveur des 166 travailleurs temporaires et permanents, d’un régime indemnitaire, la justification des dépenses d’exploitation par la production exhaustive des pièces, l’amortissement de la valeur du navire et de la mise en place d’une régie des recettes, afin de contrôler leur encaissement, la Cour des Comptes propose celui scrupuleux des règles et procédure de passation et exécution des marchés publics pour tout achat de fonctionnement ou opération d’investissement.

 Enquête Mirador 

 

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