Des irrégularités dans les comptes de l’entreprise, des incohérences
entre les masses financières, des dépassements des dépenses par rapport aux
prévisions…Entre 2015 et 2016, selon une inspection de ses comptes menée en 2018,
la gestion de la société navale de Guinée suscite des interrogations et nourrit bien des inquiétudes. Enquête …
Des incohérences entre les masses financières !
C’est suite à une audience de
délibéré en date du 13 juin 2018 que la
Société Navale de Guinée est soumise au
contrôle de la gestion des exercices (2013 à 2016) par la Chambre des
entreprises publiques, des institutions bancaires de crédits, d’assurance et
autres organismes de la Cour des Comptes. Qui a constaté non seulement des
incohérences entre les masses financières indiquées par le rapport d’activités
de la SNG et celles des différents rapports du commissaire aux comptes. En plus
des dépassements des dépenses ont été relevés par rapport aux prévisions 2015
et 2016, ce relativement au port sec de Kagbèlen.
Entre les prévisions et les charges d’investissement, des… hics
La Cour des Comptes montre que la
Société Navale de Guinée, a fait des prévisions de 2,5 milliards et 14,26 milliards GNF dans les budgets
respectifs de 2015 et 2016 comme charges d’investissement à Kagbélen.
Cependant, la SNG a réalisé 13,35 milliards GNF en 2015 et 1,02 milliards GNF
en 2016.
Aussi, la SNG a réalisé en 2016,
un chiffre d’affaires de 73,07 milliards GNF avec un résultat excédentaire de
GNF 6,79 milliards.
Il faut dire que le SNG est
titulaire de 3 comptes dans les livres de la Banque Centrale (un compte en GNF,
un compte en Euro et un autre en USD). Ce qui lui permet de financer ses
activités sur fonds propres, en ne faisant donc pas d’emprunt. A cela, il faut
ajouter que la SNG détient des actions dans des sociétés de consignation comme
GETMA, GSC SA, et SNG-Nanko Shipping.
Comment ces comptes sont-ils alimentés ?
L’ensemble des paiements des
droits maritimes ou royalties sont virés sur les comptes de devises ouverts à
la BCRG. A ce niveau, il est important de rappeler que la facturation en devise
étrangère est une exception à la règle selon laquelle toutes les facturations
ainsi que leurs paiements en République de Guinée sont effectués en GNF
(article 2 du Décret n°032 du 28 janvier 1988 portant généralisation de
facturation du paiement des biens et services en GNF sur l’étendue du
territoire national). La comptabilité de la SNG étant ténue en GNF, les
montants en devises étrangères sont immédiatement convertis en GNF au cours du
jour de la BCRG. Sur les 13 agences de consignation, seule Transmar qui est
locale paie en GNF, les autres s’acquittent en USD et Euro.
…Sortie de véhicules et de barques à travers une procédure biaisée !
Lors de la session du 19 mai
2016, le conseil d’administration a donné un avis favorable pour la sortie des
véhicules et barques du tableau d’amortissement des immobilisations de la SNG,
sous réserve de lui adresser une demande d’autorisation. Pour la Cour des Comptes, la régularité de
ces sorties de 13 véhicules et des barques n’a pas été justifiée. De fil en
aiguille, il s’avérera qu’il s’agissait plutôt de 15 véhicules qui ont été
sortis du garage du gouvernement à la suite de cette procédure.
Le rapport d’observations
définitives de la Cour des Comptes est ferme sur le fait que le dépassement des
prévisions de 2015 est lié à la réception d’une facture en fin décembre 2015,
mais payée en janvier 2016. Alors que pour les juges de la Cour des Comptes, la
Direction Générale de la SNG devait s’engager conformément aux prévisions
indépendamment du fait qu’il s’agisse d’une immobilisation en cours.
Les juges saisis statuent qu’en
agissant ainsi, la SNG n’a pas respecté ses propres prévisions, ce qui
constitue un manquement à la discipline budgétaire.
La Cour des Comptes a aussi noté
la non-fiabilité des inventaires physiques des immobilisations, qui n’ont pas
permis à l’équipe de contrôle de fonder une opinion sur la cohérence des
montants des inventaires physiques et comptables. Elle confirme le manque d’assurance raisonnable que
le patrimoine de la SNG fasse l’objet de protection et de sauvegarde.
Pire et cela malgré les
faiblesses constatées sur cette fiabilité des comptes de la SNG, force est de
noter que le commissaire aux comptes a toujours « certifié sans
réserve » les états financiers de l’entreprise pour toutes les exercices
comptables sous revue. Notons que la SNG a recruté un commissaire aux comptes
par contrat n°004 du 17 octobre 2013 pour un mandat de 6 ans renouvelables avec
une rémunération de 40 millions HT par an.
Dans les livres comptables de la
SNG, il n’existe aucune distinction entre les opérations d’encaissement, de
décaissement et celles du fonds concernant la Direction Nationale de la Marine
marchande.
D’ailleurs, la SNG n’a pas
accepté de communiquer à la Cour des Comptes, les relevés bancaires, raisons
pour laquelle, le délibéré a émis des réserves sur les conditions dans
lesquelles ont été effectuées les opérations bancaires. Ce qui en soit est un
délit d’entrave au sens de l’article 14 de la loi n°046 du 18 janvier 2013 sur
la Cour des Comptes.
… de sérieuses réserves sur la santé financière de la SNG
Le délibéré stipule que le
bénéfice dégagé par la SNG ne donne pas une image fidèle de sa situation
financière, compte tenu notamment des charges non comptabilisées ou
incorrectement comptabilisées (dotation aux amortissements et aux provisions),
des dettes impayées (fiscales, sociales, arriérés de dividendes) et des
créances irrécouvrables.
Les paiements du shipping
royalties ne respectent pas les dispositions de la note de service
l’instituant, puisque les redevables ont pu quitter le port (PAC ?) sans
éponger leurs dettes. En plus qu’il existe des factures non réglées par les
consignataires en dépit des relances par la SNG.
Il y a ensuite, la complaisance
de la part de la SNG dans la procédure de recouvrement de sa créance auprès de
la Compagnie des Bauxites de Guinée (CBG), une réalité qui l’expose à des
risques juridiques importants. Par le fait que cette créance déjà ancienne est
soumise au droit de prescription quinquennale comme c’est le cas en matière
commerciale.
Fin de la 1ère partie
Mirador enquête