Les
autorités guinéennes doivent prendre des mesures immédiates pour garantir une
enquête approfondie et impartiale sur les récents viols et agressions sexuelles
suivis de meurtres commis en l’espace de huit jours seulement et traduire leurs
auteurs en justice, ont déclaré Amnesty International et la Fédération
internationale pour la Planification Familiale (IPPF) aujourd’hui.
Elles doivent également augmenter leurs efforts pour combattre
la violence sexuelle en renforçant la prévention, soutenant l’accès des
victimes à la justice et adoptant une loi spéciale sur la violence à l’égard
des femmes.
Entre le 25 novembre et le 2 décembre, six filles de trois à 16 ans et une
femme ont été sexuellement agressées et certaines violées. Deux des filles sont
mortes à cause de la violence.
« Les récits de viols sont fréquents en Guinée. Les autorités
doivent de manière urgente renforcer leurs efforts de prévention et de lutte
contre la violence sexuelle en Guinée, » a déclaré Samira Daoud,
directrice d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique
centrale.
Viol sur des mineures
Le 2 décembre 2021, l’Office guinéen pour la protection du
genre, de l’enfance et des mœurs (OPROGEM) a présenté un homme de 24 ans
accusé de viol sur une fille de trois ans à Gbessia, un quartier de la capitale
Conakry.
Le 30 novembre, une autre fille de trois ans a été
violée à Batè-Nafadji dans la région de Kankan à l’est du pays.
Le 27 novembre, une fille de 12 ans qui rentrait chez elle a été violée par
deux hommes dans la ville de Sanoun. Une fille de 12 ans est morte des suites
d’un viol à Siguiri au nord-ouest le 26 novembre.
Le même jour dans la commune urbaine de Labé au centre-ouest du
pays, une fille de trois ans a subi un viol collectif.
L’organisation locale, ‘ Agir pour le Droit Féminin’,
qui a rencontré les parents de la fille de trois ans le 7 décembre dernier a
rapporté à Amnesty International et IPPF qu’elle était partie acheter un bonbon
non loin de la maison familiale lorsque ceux suspectés d’être ses ravisseurs l’ont
emmenée dans une maison non habitée et l’ont sexuellement agressée jusqu’à ce
que mort s’ensuive.
Le père de la fille qui a rencontré le procureur lui a confirmé
sa demande de justice pour sa fille. Le père de l’un des auteurs présumés est
aussi venu demander pardon à la famille de la fille qui a refusé.
Les viols sur des mineures font suite à celui d’une jeune femme
venue le 25 novembre, dans un hôpital de la ville de Kamsar au nord-ouest pour
une intervention chirurgicale. La direction de l’hôpital a annoncé le 28
novembre avoir « interpellé le présumé coupable » – un prestataire de service
externe – et l’avoir conduit à la gendarmerie.
Le même jour, une fille de 16
ans a été violée par plusieurs hommes à Kankan
« Les autorités doivent faire en sorte que les enquêtes sur les auteurs de
ces viols soient menées sans délai et en toute indépendance et impartialité et
que tout responsable soit traduit en justice, » a déclaré Marie-Evelyne
Petrus-Barry, Directrice du Bureau Afrique de l’IPPF.
« Les victimes doivent avoir accès à des soins médicaux et
à un soutien psychosocial ainsi qu’à une assistance pour accéder à la justice
et à la réparation. »
Plus de 331 cas de viols
rapportés depuis le début de l’année
Depuis le début de l’année, l’OPROGEM et la Brigade spécial de
protection des personnes vulnérables (BSPPV) ont traité 331 cas de viols. En
2020 seulement, ils ont traité 374 cas de viol, un nombre qui reflète seulement
la partie visible de l’iceberg selon plusieurs ONGs travaillant dans le domaine
de la lutte contre les violences sexuelles, des journalistes, la police et la
gendarmerie. Cela est dû à la stigmatisation associée au viol en Guinée, ce qui
souvent conduit, non pas à signaler le crime et déposer des plaintes mais
souvent à des médiations et des règlements à l’amiable entre les victimes ou
leurs familles et les présumés auteurs ou leurs familles.
Les récents cas de viols font suite à un autre crime ayant
provoqué le mois dernier une vive réaction dans le pays.
M’Mah Sylla, une femme de 25 ans, avait présumément été
violée par des médecins dans une clinique non agréée de Conakry où elle était
allée se faire soigner. Elle était tombée enceinte et les mêmes auteurs
l’avaient de nouveau violée au cours de l’avortement auquel ils tentaient de
procéder. Le viol a engendré des blessures impossibles à guérir malgré sept
opérations chirurgicales. M’Mah Sylla est décédée le 20 novembre dernier à
Tunis (Tunisie), après son évacuation médicale facilitée par le gouvernement.
A la suite de la mort de M’Mah Sylla, des femmes ont manifesté les 22, 24 et 30
novembre à Labé, Kindia et N’Zérékoré pour réclamer justice pour toutes les
victimes de viol. Le 21 novembre, le ministère de la Justice avait annoncé la
détention de trois des quatre auteurs présumés du viol de M’Mah Sylla à la
prison de Conakry. Le gouvernement a par ailleurs présenté ses condoléances au
nom du chef de l’État.
Des militants ont dénoncé la
recrudescence des cas de viol
Djenab Boiro de l’organisation ‘Mon Enfant, Ma vie’ a déclaré
lors d’une réunion avec Amnesty International à Conakry :
« Même morte, M’Mah Sylla mérite justice. Je suis convaincue que
le jour où ses bourreaux seront condamnés à la peine qu’ils méritent, son âme
reposera enfin en paix. Nous avons beaucoup trop de cas comme celui de M’Mah
Sylla et nous espérons et rêvons de ne plus en avoir. »
« Ces dernières années, les autorités ont pris des décisions
salutaires pour lutter contre les violences sexuelles, comme la création au
sein de la gendarmerie de la BSPPV en 2020. Par ailleurs, les organisations
locales de défense des droits des femmes ont joué et continuent de jouer un
rôle majeur dans la dénonciation des violences sexuelles, de concert avec
certains médias, » a déclaré Samira Daoud
« Malgré cela, la persistance des viols, notamment de filles,
appelle à des efforts beaucoup plus importants pour sensibiliser l’ensemble de
la société pour prévenir la violence sexuelle, protéger les victimes, leur
permettre d’accéder à la justice, d’obtenir réparation, et de traduire les auteurs
en justice. Cela passe notamment mais pas seulement, par l’adoption d’une loi
spéciale sur la violence à l’égard des femmes comme recommandé par la
Convention Internationale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination à l’égard des femmes, » a conclu Marie-Evelyne Petrus-Barry.
Amnesty International