Pour de
bonnes ou de mauvaises raisons, parce qu’ils refusent de rendre des comptes ou
craignent pour leur vie, tous ont fui leur pays pour un exil aussi précaire
qu’indéfini. Une liste qui ne cesse de s’allonger…
Un ultime
sursis est toujours bon à prendre avant que la justice ne vous rattrape,
inexorablement. C’est ce que doit se dire François Compaoré, 67 ans, dont
l’extradition de la France vers le Burkina Faso a été suspendue in extremis le
6 août par la Cour européenne des droits de l’homme. Quatre ans ou presque
après son interpellation à l’aéroport de Roissy sur la base d’un mandat d’arrêt
émis par les autorités de son pays pour son implication présumée dans
l’assassinat du journaliste Norbert Zongo, le frère cadet de Blaise, celui que
l’on surnommait « le petit président », vit toujours à Paris. Si loin et si proche
à la fois de la MACO, la maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou, qu’il
redoute tant.
Quatre ans,
c’est long au regard des quatre mois et trois semaines qui furent nécessaires à
ce qui tient lieu de justice aux Émirats arabes unis pour extrader vers
l’Algérie l’ancien patron du géant pétrolier Sonatrach Abdelmoumen Ould
Kaddour, livré menotté le 4 août sur l’aéroport d’Alger et aussitôt incarcéré à
la prison d’El Harrach pour soupçons de corruption. Ainsi va le sort de ceux
qui, à tort ou à raison, ont fui la justice de leur propre pays pour se
réfugier sous d’autre cieux : mieux vaut trouver asile dans un État de droit.
Extraditions exceptionnelles
Avertissement
liminaire à la galerie des « most wanted personnalities » africaines qui suit :
le fait d’être recherché et/ou poursuivi chez soi et d’avoir quitté –
clandestinement ou non – son pays afin d’échapper à la police, à la justice ou
les deux à la fois, ne signifie évidemment pas que l’on est ipso facto un
criminel en cavale. Ni qu’Interpol ait jugé le cas suffisamment documenté pour
relayer le mandat d’arrêt international émis par l’État requérant.
Certains ont obtenu le statut de
réfugié politique sur leur lieu d’exil
Plusieurs
personnes parmi celles dont nous retraçons ici le parcours ont d’ailleurs
obtenu le statut de réfugié politique sur leur lieu d’exil, ce qui les rend
presque inextradables. Pratique courante sur le continent, sauf là où la
justice est réellement indépendante – comme en Afrique du Sud –, la procédure
d’extradition demeure exceptionnelle dans la plupart des pays occidentaux,
particulièrement en direction de l’Afrique.
La France a
certes conclu des accords bilatéraux et des conventions d’assistance judiciaire
avec une douzaine de pays africains, lesquels comportent des dispositions
relatives au transfèrement des personnes condamnées ou recherchées chez elles.
Mais le passage à l’acte, comme dans le cas de François Compaoré, dont le
décret d’extradition a été signé en mars 2020 par le Premier ministre français
d’alors Édouard Philippe, demeure exceptionnel – et, on le voit, d’application
aléatoire.
Recherchés par leurs pays
Dernière
précision enfin. Ce catalogue non exhaustif, qui n’a rien à voir avec un
fichier d’identité judiciaire, ne concerne que les Africains recherchés pour de
bonnes ou de mauvaises raisons par la justice de leur pays. En sont donc exclus
les dossiers en cours devant la Cour pénale internationale, laquelle a, le 29
juillet, levé son mandat d’arrêt contre Simone Gbagbo – mais maintenu ceux qui
visent les Libyens Seif el-Islam Kadhafi (le fils du « Guide » défunt), Mahmoud
al-Werfalli (ancien commandant de la brigade Al-Saiqa) et Al-Tuhamy Mohamed
Khaled (ex-chef de l’Agence de sécurité intérieure). Dix ans après la chute du
raïs de Tripoli, ces trois « most wanted » des années sombres du kadhafisme ne
sont pas près de rendre des comptes.
En est
également exclu l’émir jihadiste malien Iyad Ag Ghali, preneur d’otages
multirécidiviste désigné comme terroriste par la France et les États-Unis. Si
l’armée française l’a depuis longtemps placé dans son collimateur, le chef du
Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) affilié à Al-Qaïda n’a
étrangement jamais été poursuivi par la justice malienne, pas plus que son
affidé Amadou Koufa.
En sont
également exclus les derniers fugitifs en date de cette année 2021, les anciens
ministres congolais Kikaya Bin Karubi et centrafricain Karim Meckassoua. Tous
deux ont en ce mois d’août préféré quitter clandestinement leur pays plutôt que
de répondre à des convocations judiciaires qu’ils estiment téléguidées par les
pouvoirs en place à Kinshasa et à Bangui. Mais ils ne sont pas officiellement
recherchés. Pour le moment.
Avec Jeune Afrique