Des milliers de Palestiniens fuient à travers les rues dévastées de la ville de Gaza, espérant trouver refuge plus au sud suite à une injonction d'Israël, qui se prépare à une offensive terrestre en représailles à l'attaque sanglante lancée par le Hamas. À Gaza, le fracas des explosions est incessant. « Ce n'est que le début » des opérations israéliennes à Gaza, a prévenu vendredi le Premier ministre Benjamin Netanyahu au septième jour de la guerre. Après l'attaque sanglante du Hamas samedi 7 octobre, Israël a riposté en déclarant une guerre pour détruire le mouvement islamiste palestinien, pilonnant la bande de Gaza et déployant des dizaines de milliers de soldats autour du territoire ainsi qu'à la frontière libanaise.
Environ 1 900 Palestiniens, la plupart des civils, dont 614
enfants, selon les autorités locales, sont morts dans la bande de Gaza.
Vendredi, l'armée israélienne a appelé tous les civils de la ville de Gaza à «
évacuer leur domicile vers le sud, pour leur propre sécurité », faisant craindre
une offensive terrestre imminente. Un appel rejeté par le Hamas.
Cet ordre a été précisé ce samedi matin, rapporte notre
correspondant à Jérusalem, Michel Paul. L’armée israélienne propose aux
habitants du nord de la bande de Gaza d’utiliser deux corridors d’évacuation,
l’un le long du littoral de l’enclave palestinienne, le second dans le secteur
central, à compter de 10h heure locale, maintenant donc et jusqu’à 16h cet
après-midi. Un message diffusé en arabe par l’armée israélienne, accompagné de
cartes montrant l’emplacement de ces deux corridors qui est diffusé notamment
sur les médias sociaux et distribués par jets de tracts. « Allez vers le sud,
réitère le communiqué, pour votre sécurité et celle de vos familles. »
Par ailleurs, Israël affirme avoir éliminé la nuit dernière
le commandant des activités aériennes du Hamas. Mourad Abou Mourad qui, affirme
un porte-parole israélien, était impliqué dans l’attaque surprise sur Israël il
y a tout juste une semaine. On indique aussi que l’armée israélienne aurait
procédé à plusieurs incursions terrestres dans la bande de Gaza. Appartement
pour récupérer des cadavres d’otages non loin de la frontière qui avaient été
repérés par photographie aérienne.
« Nous n’allons pas
participer à une deuxième Nakba »
Par milliers, portant leurs baluchons, des Gazaouis fuient
donc par tous les moyens, à pied, entassés sur des remorques, sur des
charrettes, à moto, en voiture, à travers les rues jonchées de gravats, bordées
d'immeubles en ruines. D'autres habitants refusent de partir, faute de moyens
ou pour ne pas céder. C'est le cas de Ziad Medoukh, professeur de français dans
plusieurs universités dans la ville de Gaza. « Ces menaces israéliennes qui
obligent les Palestiniens à partir, ça fait partie de la guerre psychologique,
estime-t-il au micro de Baptiste Coulon. Pour nous, les Palestiniens qui ont
décidé de rester, notre référence, ce sont les deux structures des
organisations internationales, le bureau de la Croix-Rouge internationale et le
bureau des Nations unies. Pour le moment, ces deux organisations
internationales n’ont pas fait de communiqué pour pousser les gens à partir.
C'est vrai qu’ils ont dit être au courant de ces menaces, mais nous ne pouvons
pas répondre à des menaces d'une armée d'occupation, donc on doit attendre. »
Quelque 2,4 millions d'habitants vivent ans la bande de
Gaza, ce territoire de 362 kilomètres carrés, soumis à un blocus israélien
terrestre, aérien et maritime depuis que le Hamas y a pris le pouvoir en 2007.
Depuis le 9 octobre, l'enclave est désormais soumise à un blocus complet,
privée d'approvisionnements en eau, en électricité et en nourriture, coupés par
Israël.
« Pour le moment, nous vivons dans des conditions
humanitaires et sanitaires très délicates, nous n'avons ni eau ni électricité,
mais nous nous adaptons. Le plus important pour nous, la priorité, c'est la
sécurité de nos enfants, mais ce n'est pas toujours évident avec la poursuite
des bombardements israéliens, souligne Ziad Medoukh. Nous devons attendre. Nous
n’avons pas d'autre choix. Nous n’allons pas participer à produire une deuxième
Nakba [« catastrophe » en arabe, exil forcé de quelque 760 000 Palestiniens
pendant la guerre de 1948, NDLR]. »
Fuir pour aller où ? L'Égypte contrôle sa seule ouverture
sur le monde, le point de passage de Rafah, mais il est actuellement fermé. Et
le sud de la bande de Gaza n'est pas épargné par les bombardements, comme le
rappelle Ahlam Tarayra, du Centre palestinien pour l'indépendance de la
magistrature et de la profession juridique, une ONG palestinienne, qui bloquée
à la frontière entre la Jordanie et Israël, l'offensive est déjà là. « Des
quartiers entiers ont été entièrement détruits, des gens ont vu leur maison
s’effondrer sur leur tête. Ça se passe partout à Gaza, dans le sud, le centre
et le nord, pointe-t-elle au micro de Marine Lebègue. Il n’y a pas un endroit
qui n’a pas été bombardé. Mes collègues qui vivent dans le nord ont déjà évacué
leurs maisons qui sont complètement détruites. »
« Conséquences
humanitaires dévastatrices »
Parallèlement, les appels se multiplient à travers le monde
pour éviter une « catastrophe humanitaire ». Les Nations unies ont demandé que
l’ordre d'évacuation soit annulé, parlant de « conséquences humanitaires
dévastatrices ». Le président de l’autorité palestinienne Mahmoud Abbas rejette
« totalement » ce déplacement, qui équivaudrait à une deuxième Nakba.
La Ligue arabe parle d’un « crime qui dépasse l’entendement
». La Jordanie met en garde contre toute tentative de déplacer la population :
« la crise ne doit pas se propager aux pays voisins ». L’Égypte estime
d'ailleurs que les habitants de la bande de Gaza doivent se montrer «
inébranlables et rester sur leurs terres ».
Le président russe Vladimir Poutine estime que le siège de
la bande de Gaza pouvait être comparé à celui de Leningrad par les nazis. Un
éventuel assaut terrestre à Gaza entraînerait « des pertes parmi les civils
absolument inacceptables », a-t-il estimé.
Côté occidental, les États-Unis parlent d’un « défi de
taille », et estiment « que les autorités israéliennes essaient d’éviter des
victimes civiles au maximum et de séparer le Hamas des boucliers humains ».
Israël doit protéger les populations civiles, ont exhorté la France et le
Royaume-Uni, tout en reconnaissant, côté français, à Israël le droit de se
défendre, et en dénonçant, côté britannique, un « calcul perfide » du Hamas qui
utiliserait la population civile comme boucliers.
Enfin, la présidente de la Commission européenne Ursula von
der Leyen, sans commenter l'ordre d’évacuation, a estimé que le Hamas était «
seul responsable de ce qui se passe ».
« Même les guerres ont des règles », a rappelé le secrétaire
général de l'ONU, Antonio Guterres, réclamant un accès humanitaire « immédiat »
à la bande de Gaza. Il a décrit un « système de santé au bord de l'effondrement
», des « morgues qui débordent » et « une crise de l'eau ». Plusieurs ONG ont
également demandé l'ouverture de couloirs humanitaires.
RFI et AFP