Fonds Covid-19 en Guinée : l’envers du décor (l’Enquête d’Akoumba Diallo)

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  • 30 septembre 2021 12:16

  • Economie

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Pour opérer un réel changement de cap radical, le Conseil national du rassemblement et du développement (CNRD), qui tient dorénavant les commandes du navire Guinée, a besoin de dresser un inventaire des années Alpha. C’est certainement à cette tâche consistant à faire un état des lieux du gouvernement précédent, qu’une taskforce, formée au pied levée, serait commise dans les locaux de la Villa 5 de la Cité des Nations.  Parmi les dossiers à potasser dans le cadre de cette future opération « main propre » qui ne dit pas son nom, figure en bonne place le Rapport de contrôle de la gestion du Fonds Spécial de Riposte à la Covid-19 et de Stabilisation Économique.

Dans cette première partie d’une série de dossiers que Mirador se fait le devoir de porter à la connaissance de l’opinion publique, nous faisons une plongée dans l’envers du décor de ce fameux Fonds public qui nourrit toutes sortes de spéculations.

Dossier d’enquête

C’est sur la base de l’arrêté conjoint n°1852 du 15 juin 2020 portant modalités de contrôles des opérations du Fonds Spécial de Riposte au Covid-19 et de Stabilisation Économique qu’une mission de la Cour des comptes a produit un rapport d’observations provisoires sur la gestion de cet outil de lutte contre la pandémie de Covid-19.

Ce travail du juge des comptes, a tout d’abord permis de constater que ce fonds créé le 14 juillet 2020, n’a pas été ratifié par la loi des Finances Rectificative exercice 2020. Ce qui est une violation au sens de l’article 38 de loi organique relative aux lois de finances.

….des manquements ?

Tout à fait. En effet, il faut rappeler que ce fonds qui, en vertu de son décret de création, fait de lui un fonds de concours, a été abondé par diverses contributions. Des termes de ce rapport, on peut noter que les opérations de dépenses du Fonds sont de 3 types, à savoir les composantes sanitaire, sociale et l’appui au secteur privé.

En ce qui concerne la composante sanitaire, la Cour a noté que des opérations ont été effectuées par l’Agence Nationale de la Sécurité Sanitaire (ANSS) sont de deux catégories : les unes régulières et les autres questionnables.

Pour cette dernière catégorie d’opérations, des écarts ont constaté entre les transferts de fonds fournis par la paierie générale du Trésor et les données financières de l’ANSS. Les travaux de la Cour ont également mis en évidence des faiblesses dans la comptabilisation des dons en nature reçus par l’ANSS.

La Cour a constaté sur les dépenses relatives à la consolidation du dispositif de surveillance et de prise en charge, l’existence des paiements pour des opérations financières par des bailleurs des fonds internationaux, qui ne sont pas passés par le compte de Fonds, ainsi que l’absence des pièces justificatives devant attester la régularité de certaines de ces opérations.

Le flou entourant l’acquisition des produits médicaux

Dans le cadre des acquisitions des produits médicaux, les magistrats de la Cour ont noté que certains de ces achats ont été effectués auprès de la pharmacie centrale de Guinée qui assure la garde des stocks au compte de l’ANSS. Ce qui constitue un risque d’audit pour l’ANSS.

La Cour a aussi constaté des cas de non-respect des règles de passation, de contrôle et de régularisation des marchés publics et de délégation des services publics.

Dans le cadre des dépenses de laboratoire effectuées par l’Institut National de la Santé Publique (INSP), la Cour n’a pas pu reconstituer les montants réellement décaissés dans le cadre de la riposte. Toutefois, elle révèle des cas de maniements des fonds publics par des personnes non habilitées et des paiements effectués sans mandat ni de l’ordonnateur ni de l’agent comptable. En plus les fiches d’engagements et de liquidation ne sont signées que par le chef du service administratif et financier.

En le parcourant, nous nous sommes aperçus que sur la composante sociale de la riposte, la Cour des Comptes a passé au peigne fin, le plan d’Urgence de l’Agence Nationale d’Inclusion économique et sociale (ANIES) évalué à 439 Mds GNF et des mesures sociales complémentaires pour un coût trimestriel de 488 Mds.

Pour le premier volet dédié aux ressources de cette composante, la Cour a révélé qu’au 31 mars 2021, l’ANIES n’avait pas pu mobiliser certaines de ses ressources, tandis que d’autres, ne l’avaient été que partiellement. En outre toutes les ressources mobilisées pour la riposte n’ont pas été utilisées conformément au plan de riposte.

La Cour a aussi constaté que l’ANIES a bénéficié d’un appui de 3 Mds de la MAMRI (Mission d’Appui à la Mobilisation des Ressources Intérieures) qui a couvert certaines dépenses de phase 1 du plan d’urgence par voie de caisse.

Sur l’utilisation de l’appui de la MAMRI, la Cour a constaté que ni le contrôleur financier, ni l’agent comptable d’ANIES n’ont été associés, contrairement aux dispositions du Règlement Général sur la gestion budgétaire et la comptabilité publique.

…des procédés non catholiques au niveau de l’ANIES. Qu’en retient-on ?

A la revue des pièces justificatives des différentes dépenses de la phase 2 du plan d’urgence de l’ANIES, la Cour a constaté que l’ANIES n’a pas respecté sa propre planification. Quant aux dépenses de la phase 3 la cour a constaté qu’au 31 décembre 2020, l’ANIES n’avait payé que 54% des primes aux pairs éducateurs pour une couverture de 7% des ménages bénéficiaires.

Sur les transferts monétaires d’urgence, la Cour a relevé l’existence d’une programmation de décaissements dans un plan de trésorerie de 5,79 Mds non encore régularisé et d’un reliquat non transféré aux ménages.

Le volet social de la composante, elle concerne la reprise en charge intégrale par l’État des factures pour les abonnés au tarif social de l’électricité et de l’eau d’une part, et de l’autre la gratuité des transports publics pour avril-décembre 2020.

Dans le premier cas, la cour observe qu’une facturation de 43 Mds au niveau d’Électricité de Guinée (EDG) et une faible prise en charge des factures de la Société des Eaux de Guinée (SEG).

Dans le second, la Cour note que les dépenses de transports n’ont pas respecté les dispositions de l’article 8 de l’arrêté conjoint n°1635 du 26 mai 2020 portant modalités de gestions des ressources et des dépenses du Fonds Spécial de riposte au Covid-19 et de stabilisation économique.

Là aussi, il se trouve que des paiements ont été effectués sans preuves des services rendus. Comme c’est le cas de 3 Mds versés à la société des transports de Guinée (SOTRAGUI) dont les bus sont en arrêt depuis 2017 et de 2 Mds à la société nationale des chemins de fer de Guinée qui n’a pas pour vocation de transporter des passagers.

…des problèmes en ce qui concerne la composante « appui au secteur privé »

S’agissant du composant appui au secteur privé la cour des Comptes a constaté que le gouvernement sortant a mis en place le fonds d’appui aux groupements d’intérêts économique et aux entreprises (FAGIEE). Et que le FAGIEE a été approvisionné de 20 Mds GNF le 30 mai 2020 par la paierie générale du Trésor.

Ce Fonds est logé au Fonds de développement industriel et des PME (FODIP) dont le directeur général en est le président du comité de pilotage du FAGIEE. Or ce FAGIEE qui est destiné à apporter des assistances financières aux groupements d’intérêts et aux entreprises touchées par les conséquences de la propagation du Covid-19, au 4 mars 2021, il n’y avait que 15 bénéficiaires sur les 48 dossiers validés qui avaient leurs fonds débloqués.

 …des incohérences dans le fonctionnement du comité de pilotage du FAGIEE ?

A ce titre précis, la Cour a relevé des incohérences dans les décisions du comité de pilotage de FAGIEE. Elle a en outre noté que les conventions de prêts conclues dans le cadre de la mise en œuvre de ce programme n’ont pas toujours respecté l’exigence du taux d’intérêts de 5% TTC fixé par le décret du n°097 du 29 mai 2020, portant création dudit fonds et repris dans les conventions de gestion de crédits conclues entre les gestionnaires des crédits et les partenaires techniques et financiers.

Sur le fonctionnement, la Cour a constaté la prise en charge de certaines dépenses du FODIP par les ressources du FAGIEE ainsi que le non-respect du code des marchés publics. Notamment en ce qui concerne l’achat d’un véhicule par le ministère de tutelle en faveur du président du comité de pilotage du FAGIEE.

La Cour a également constaté depuis le 29 mai 2020 du Fonds de garantie de prêts bancaires aux PME et son approvisionnement depuis le 19 novembre 2020 de 50 Mds GNF. Mais que ce fonds, jusqu’à la date du 20 mai 2021 n’était toujours pas fonctionnel.

A la date du 31 décembre 2020, le compte du Fonds Spécial présentait un solde de 728,39 Mds GNF.

Une enquête réalisée par Akoumba Diallo

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