Si la CRIEF veut répondre aux attentes de millions de guinéens, elle doit faire preuve de plus de rigueur et de professionnalisme dans le traitement des dossiers qui relèvent de sa compétence.
Il faut être totalement coupé des réalités guinéennes ou de
mauvaise foi pour ne pas savoir ou reconnaître qu’il y a eu en Guinée de
nombreux détournements de fonds, des actes de corruption et d’enrichissement
illicite à ciel ouvert. Il suffit pour s’en convaincre de comparer le train de
vie et le patrimoine de certains commis de l’État à leurs revenus licites.
C’est pour cette raison que la mise en place de la CRIEF a été saluée par les
citoyens dans leur écrasante majorité.
Mais certains errements constatés ces derniers temps au
niveau de cette juridiction suscite des inquiétudes.
À cette allure, des personnes qui ont, de manière éhontée,
pillé les richesses nationales au su et au vu de tout le monde parviendront à
s’attirer la sympathie de l’opinion publique en se faisant passer pour de
simples innocents victimes d’une forme de chasse aux sorcières et en passant
sous silence les graves délits qu’elles ont commis dans la gestion des affaires
publiques.
Aujourd’hui, les soutiens des anciens dignitaires et ceux de
l’ancienne opposition formulent les mêmes critiques et reproches à l’endroit de
la CRIEF. Ce qui est un très mauvais signe. C’est pourquoi, il est important
que les magistrats qui composent la CRIEF mettent un point d’honneur à mériter
la confiance placée en eux. Quelle que la gravité des faits reprochés aux mis
en cause devant la CRIEF, les magistrats de cette juridiction doivent faire en
sorte que les règles de procédure soient respectées dans l’intérêt d’une bonne
administration de la Justice.
Si la Guinée perdait la lutte contre les délinquance
financière et économique en cette période de transition, elle mettrait des
années encore avant de régler cette question. La CRIEF, doit éviter que par sa
faute, la répression des infractions économiques et financières soit vouée à
l’échec.
La CRIEF doit comprendre que beaucoup de guinéens sont
favorables à sa mise en place mais condamnent parfois ses méthodes.
La CRIEF doit savoir que si le citoyen ordinaire peut se
nourrir de simples rumeurs, de la commune renommée, des on-dit, elle est
obligée quant à elle de se fonder sur des éléments solides avant de prendre des
mesures contre des personnes dont la liberté, l’honneur et le patrimoine sont en
jeu.
Me Mohamed Traoré
Ancien Bâtonnier