Le double sommet extraordinaire des chefs de l’Etat de l’Union
africaine (UA) dont Malabo a été l’hôte ce week-end des 27 et 28 mai, a vécu.
Se départissant résolument des anciennes formules de ces rencontres où les
soirées et rencontres mondaines durant lesquelles le champagne coulait à flot
sur le foie gras et autres méchouis, ceux qui nous gouvernent semblent avoir
pris la réelle mesure de la situation d’une Afrique malade de ses crises
humanitaires, économiques, sanitaires et des conflits sans fin entre
communautés. Un chapelet de maux auquel est venu se greffer cette série de
coups d’état qui a affecté le continent dans sa partie ouest. Dans la
capitale équato-guinéenne, les chefs de l’Etat ont eu un week-end bien
studieux, comme pour partager cette conviction des Africains qui cherchent des
solutions pour les problèmes de l’Afrique. Si en l’absence du chef d’orchestre,
le Sénégalais Macky Sall, président en exercice de l’organisation continentale,
reparti en toute urgence chez lui, plus précisément à Tiwawane dont l’hôpital
Mame Abdoul Aziz Sy Dabakh fut le cimetière pour 11 bébés brûlés dans un incendie,
le mercredi 25 mai, le concert a tout de même été suivi avec avidité par un
public africain aux attentes aussi nombreuses qu’urgentes.
Pour le premier sommet qui s’est
essentiellement penché sur les crises humanitaires, les Africains ont pu
récolter 140 millions de dollars, malheureusement pour un besoin de 14
milliards de dollars, il n’en demeure pas moins que la satisfaction a été de
mise. Cependant, le cycle incessant des inondations et la sécheresse qui sont
causées par le changement climatique, auxquelles se greffent les conflits
armés, la menace terroriste et l’extrémisme violent, s’amplifient, accentuant
les conditions de précarité criardes dans lesquelles survivent les personnes
déplacées internes et, du reste, l’ensemble des pays africains confrontés à la
vie chère. Toute chose qui appelle l’urgence des actions dans un environnement
difficile dans lequel se réduisent comme peau de chagrin l’aide et la
solidarité internationales. Comme s’il n’était pas au bout de ses peines, le
continent fait face au terrorisme et des changements anticonstitutionnels par
les armes ou le charcutage des lois fondamentales.
Terrorisme et changements
anticonstitutionnels qui constituent désormais un duo inséparable du fait de
l’interaction négative des seconds sur le premier, ont été les sujets stars du
deuxième volet de ce double sommet de Malabo. Et comme à l’accoutumée, par son
franc-parler légendaire qui fait sa marque de fabrique, c’est le Nigérien
Mohamed Bazoum qui résumera, dans un discours pertinent, le mieux la situation.
Florilège: «Dans le contexte de nos démocraties entachées assez souvent de
pratiques de gouvernance pas toujours vertueuses, de logiques d’éternels
bras-de-fer entre pouvoirs et oppositions, de l’activisme de sociétés civiles
hyper-politisées et de mal-vivre de la jeunesse, des militaires peuvent
aisément se poser en sauveurs de la nation. Mais l’expérience, au vu de ce qui
s’est passé jusqu’ici, ces militaires en déstabilisant les institutions
affaiblissent les Etats et renforcent les groupes terroristes. Ils ne sont donc
nullement une solution ni pour lutter contre le terrorisme, encore moins pour
promouvoir la bonne gouvernance. Ils constituent assurément un facteur de
régression pour l’Etat de droit et la démocratie et exposent les pays à des
périls inédits».
Mais le pas du diagnostic
franchi, le plus dur est l’application du remède au malade dont l’organisme
peut être répulsif, si ce n’est le patient lui-même qui est récalcitrant au
traitement. C’est dire combien la tâche sera ardue pour l’UA de redresser la
barre d’une barque Afrique qui n’est pas loin de la dérive. Surtout avec
l’intrusion sur le continent, comme l’a retenu le communiqué issu du sommet de
Malabo, de la société privée de sécurité russe Wagner, dont les éléments sont
qualifiés de mercenaires et auxquels sont attribués des exactions de toutes
sortes sur les populations civiles en République centrafricaine et au Mali. En
tout cas, comme l’espère tout un continent, l’heure de l’action a peut-être
sonné, celle des mots étant révolue.