Procès 28 septembre 2009 : le condensé de la semaine du 15 mai 2023

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  • 19 mai 2023 09:01

  • Justice

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Le procès des événements du 28 septembre 2009 a repris cette semaine devant le tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la Cour d'Appel de Conakry. Après la journée sans audience lundi, les parties civiles ont continué à défiler à la barre. Le mardi, tout a commencé par Yaghouba Barry.

Yaghouba Barry est né en 1963 à Télimélé dans la région de Kindia en Basse Guinée. Dans la matinée du 28 septembre 2009 aux environs de 8h 30, a-t-il expliqué, il est parti de chez lui à Koloma en compagnie de sa femme pour le stade. Où il dit avoir accompagné son épouse au niveau de la tribune, et lui est resté sur la pelouse. Déjà, en constatant la présence des éléments de l'anti-drogue aux alentours du stade lorsqu'il y entrait avec sa femme, le plaignant dit avoir perdu sa sérénité. Puisqu’il dit s’être souvenu de l’irruption avant les évènements du 28 septembre 2009, des hommes du Colonel Moussa Tiégboro Camara au marché Madina, à la recherche des cambistes. Il laisse alors sa femme au stade, et retourne à la maison pour rester au chevet de leurs enfants. Il ne réussira pas à sortir du stade aussitôt, puisque les tirs avaient commencé.

Selon Yaghouba Barry, il est intercepté par des éléments de l'anti-drogue, qui l’ont bastonné et poignardé à deux reprises. Conséquence, il perd plus d’une dizaine de dents et s’en sort avec un pied fracturé, a-t-il poursuivi. C’est après qu’il est conduit au camp Alpha Yaya Diallo, dans les locaux des Services spéciaux, s'est-il souvenu. Le plaignant affirme avoir passé 12 jours dans les prisons du colonel Moussa Tiegboro Camara. Pendant son séjour au camp Alpha Yaya, il dit avoir reconnu le colonel Moussa Tiegboro Camara et le colonel Abdoulaye Chérif Diaby. Revenant sur les conditions de sa libération, Yaghouba Barry a révélé que c'est un béret rouge qui a demandé qu'il soit libéré parce que la Commission d'enquête internationale était annoncée sur les lieux.

En marge de la déposition de Yaghouba Barry, un des avocats de la défense du colonel Claude Pivi a égrené ce qu’il a appelé des irrégularités dans la constitution de son dossier.

« Monsieur Barry confirmez-vous n’avoir jamais été à l’hôpital Donka ? », a interrogé Me El hadj Fodé Kaba Cherif. « Je ne suis pas allé là-bas », a répondu le plaignant. C’est ainsi que l’avocat de la défense va attirer l’attention du tribunal sur le certificat médical versé au dossier de Yaghouba Barry. « Monsieur le président, le certificat émane de l’hôpital Donka et la partie civile qui comparait par devant votre barre dit qu’elle n’a jamais été à Donka. Et mieux que ça, monsieur le président, ce certificat médical date du 24 septembre 2009, avant les événements du 28 septembre. Je voudrais attirer votre attention sur ces faits », a-t-il détaillé, avant d’ajouter qu’il ne comprend pas compris comment ce certificat a pu se retrouver dans le dossier. C’est après cette parenthèse que la déposition du plaignant a pris fin. 

 Après la déposition de Yaghouba Barry, place à celle de Ousmane Condé.

Cette nouvelle partie civile est née en 1967 à Dabola, en Haute Guinée. Le marchand a expliqué qu'il est parti de chez lui à la Minière dans la matinée du 28 septembre 2009, pour le domicile de son grand frère à Dixinn. Il y a trouvé beaucoup de personnes avec lesquelles il a pris la direction au stade. Plus d'une quinzaine de minutes après leur arrivée, a-t-il relaté, les mouvements éclatent sur fond de tirs. Ousmane Condé tente en vain de sortir par le grand portail. Il se dirige alors vers l'autoroute, en escaladant les murs du stade grâce aux personnes de bonne volonté, a déclaré la victime. Ce militant du RPG se dirige ensuite vers la cour d’un service de gendarmerie où il a été pris en charge par des agents de la Croix rouge. Selon lui, il a été embarqué avec beaucoup d'autres manifestants blessés, pour l'hôpital Donka. Sur le pont de Madina, a-t-il rappelé, un groupe de militaires a tenté de les détourner de leur chemin pour les amener au camp Koundara, sans succès. Sous soins intensifs, la victime dit avoir passé plus de trois mois à l'hôpital Donka. Ousmane Condé porte plainte pour coups et blessures après avoir été touché par plusieurs balles au stade, notamment au niveau d'un de ses bras. A titre de dommage et intérêts, il sollicite 1 milliard de francs guinéens.

Le même jour, le décès de l’épouse de Cherif Diaby est annoncé, son avocat demande sa mise en liberté, mais en vain. 

C’est après la pause de la mi-journée, que le conseil du colonel Abdoulaye Chérif Diaby a annoncé au tribunal, le décès de l'épouse de son client à l'hôpital Ignace Deen. Me Bomby Mara a ensuite sollicité une mise en liberté en faveur de l'officier militaire afin qu'il puisse assister à l’enterrement de son épouse. Le ministère public et les avocats des parties civiles se sont opposés à cette demande à cause de la gravité des faits reprochés à l'accusé et des risques que sa mise en liberté pourrait entraîner. Finalement, le tribunal a rejeté la demande.

La journée de mardi a été clôturée par la comparution d'une nouvelle partie civile. Thierno Ibrahima Youla, c'est son nom.

Thierno Ibrahima Youla est né en 1982 à Conakry. Il a expliqué que dans la matinée du 28 septembre 2009, lui et d'autres militants de l'UFR, se sont retrouvés au domicile de Tidiane Sylla à Coléah cité. Ils sont passés au domicile de Jean Marie Doré, avant de se retrouver au stade, a-t-il dit. Ils sont arrivés avec les autres leaders, à l’exception de Jean Marie Doré. L'arrivée de l'ancien président de l'UPG a été suivie de l'irruption des militaires, a témoigné le plaignant. Sur fond de débandade, il dit avoir connu beaucoup de péripéties avant de sortir du stade. En fin de compte, il a été blessé au pied, aux paumes et il a reçu des coups au dos de la part d'un militaire. Il ajoute qu'il a vu de nombreux manifestants se faire électrocuter et poignarder. Il ne confirme pas les cas de viols, mais Thierno Ibrahima Youla affirme avoir vu des femmes à moitié ou complètement nues, notamment dans la salle de basket du stade. En plus des gendarmes, il dit avoir vu au stade des bérets rouges munis de machettes, et des hommes portant des maillots du club Chelsea. Sur la pelouse, il dit avoir identifié Toumba Diakité, mais non armé. Pendant qu'il cherchait à se sauver davantage, il a vu par deux fois le cortège du colonel Claude Pivi sur le tronçon Dixinn Terrasse-pont Madina. Par les soins de Médecins sans frontière, il est conduit à l'hôpital Donka. N'étant pas assuré des conditions de prise en charge dans cette structure sanitaire qui était aussi militarisée à ses yeux, il a décidé de rentrer chez lui pour se faire traiter.

Mercredi, le procès s’est poursuivi. Trois nouvelles parties civiles, a commencé par Mamadou Baïlo Bah, ont été entendues.  

Le plaignant né en 1992 à Conakry, dit s’être constitué partie civile pour avoir perdu son père au stade. Selon lui, la victime est sortie de la maison à Hafia Minière aux environs de 7h pour aller au travail, non loin de Jean Paul 2. Dans son garage puisque c'était un tôlier peintre, il reçoit un de ses clients du nom de Aladji Telli, a rapporté le plaignant. Les deux bougent ensemble pour le stade en passant par le carrefour Concasseur. Quelques minutes plus tard, a-t-il relaté, l'irruption des militaires intervient. Aux environs de 15h, a rappelé Mamadou Baïlo Bah, son père est appelé au téléphone par un de ses apprentis. C'est un monsieur qui a répondu. Ce dernier en a profité pour informer son interlocuteur de la mort du propriétaire du téléphone au stade. Les jours qui ont suivi, certains membres de sa famille ont sillonné des hôpitaux, et d’autres se sont rendus dans des lieux de détention à Conakry. Si à Ignace Deen, ils n'ont trouvé aucune trace de leur proche, à Donka, ils ont appris que le corps de la victime y a bien transité, mais avant de prendre une autre destination nuitamment, a raconté le plaignant. Mamadou Baïlo Bah a ajouté que ses frères se sont aussi rendus à l'esplanade de la mosquée Fayçal où des corps des victimes avaient été exposés. Malheureusement, s'est-il offusqué, le corps de Mamadou Aliou Bah n'a jamais été retrouvé. En répondant aux questions du juge, l’homme d’une trente d’années a précisé qu'il tient ces informations des apprentis de son papa et des voisins qui l'ont vu au stade. Il dit avoir porté plainte contre les autorités d'alors. Il sollicite du tribunal que le corps de son père soit retrouvé pour permettre à sa famille d’observer le deuil.

À la suite de Mamadou Baïlo, c'est Mamadou Bobo Bah qui a comparu. C’est une partie civile victime de coups et blessures.

Mamadou Bobo Bah est né en 1992 à Bambéto. Cette autre partie civile dit être allée au stade en compagnie d'un de ses amis dans la matinée du 28 septembre 2009 aux environs de 8h 30. A la terrasse, Mamadou Bobo dit avoir trouvé beaucoup de militaires. Le colonel Moussa Tiegboro Camara aussi. L'ex patron des services spéciaux était en train de dissuader des manifestants d’entrer au stade. Après avoir pris place dans la zone appelée Sahara, il entend d'abord des coups de gaz puis des tirs à balles réelles. Il décide alors de sortir du stade avec son ami. Lorsqu'ils sortaient, a expliqué Mamadou Bobo Bah, ils sont interceptés et bastonnés par des gendarmes vêtus de t-shirts noirs. En dépit de ces coups, le plaignant tente de s'en fuir. Pendant qu'il courait, a-t-il révélé, il est atteint par balle sur sa cuisse droite. Il est aussitôt secouru par son compagnon d'infortune avant de se retrouver à l'hôpital Donka par le soin de la Croix rouge. Il demande à sa mère qui l’avait rejoint, de le sortir de cette structure sanitaire à cause, selon lui, des risques qui planaient sur des victimes. Mamadou Bobo Bah est alors transporté, dit-il, dans le coffre d'un taxi pour une clinique à Bonfi. Il est ensuite transféré à la clinique '' Mère et Enfant '' à Kipé. Lorsqu'il venait dans cette structure sanitaire, dit le plaignant, son pied était en train de pourrir. Après des tractations, son pied droit est amputé, mais malgré lui. A la suite de sa guérison, Mouctar Diallo, président des NFD, l'a envoyé à Dakar pour mettre le reste de son pied dans une prothèse, a-t-il rappelé. Il retourne au pays, mais son pied a continué à lui faire mal. Grâce à la FIDH, a relaté Mamadou Bobo, il retourne à Dakar dans une clinique canadienne qui a révélé que la première opération n'a pas été bien faite. Pour la deuxième opération demandée par cette structure sanitaire, il n'a pas eu d'aide jusque-là, a-t-il dit. La partie civile porte plainte pour coups et blessures et demande de l'aide au tribunal.

La comparution de Mamadi Mansaré a clôturé les deux journées d’audiences. Il s’agit cette fois d’un journaliste reporter, qui travaillait à la radio Familia FM au moment des faits. 

Mamadi Mansaré est parti au stade dans la matinée du 28 septembre 2009 en compagnie d'un de ses collègues du nom de Thierno Alpha Ibrahima Baldé, présentement journaliste ici à FIM FM, a-t-il rappelé. Il y est allé pas en tant que manifestant, mais pour couvrir la manifestation en sa qualité de journaliste au compte de la radio Familia, a précisé le journaliste. Au niveau de la terrasse, il dit être tombé sur un premier homme couché avec les pieds fracturés. Un deuxième étalé sur le dos et un troisième qui était déjà mort au niveau du grand portail. Sur place, a-t-il poursuivi, Mamadi Mansaré affirme avoir vu le colonel Moussa Tiegboro Camara en face de Mouctar Bah, correspondant de RFI, qui selon lui, était dépossédé de ses matériels de travail. Pour entamer son travail pour lequel il est déployé, il sort sa caméra pour filmer. Il est aussitôt interpellé par un policier. Ce dernier l'amène dans un bureau au commissariat urbain contigu au stade, pour supprimer tous ses éléments, même les plus anciens, a-t-il relaté. Il reprend ses matériels pour continuer la couverture jusque dans l’enceinte du stade. Vers midi, a rappelé l’ex reporter de Familia, il a entendu des coups de feu avec l'arrivée des militaires. Pendant qu'il sortait du stade, il dit avoir vu un jeune à terre au niveau de la porte. Il a également témoigné avoir vu un militaire en train de tirer sur un jeune. Plus loin, a confié Mamadi Mansaré, il a vu un autre militaire déshabiller une dame. Pendant qu'il continuait son chemin, il est intercepté par deux hommes en uniforme qui l'ont violenté. Il a alors perdu de l'argent, sa caméra, son micro et son enregistreur. Pire, a-t-il révélé, sa tête a été effleurée par balle lorsqu'il a tenté de reprendre sa moto. Comme séquelles des coups et blessures, notre collègue, puisqu’il est à FIM désormais, se plaint de l'oubli. Il demande à être indemnisé.

Le procès est renvoyé au lundi 22 mai prochain.

Sékou Diatéya Camara

 

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