Trois semaines après la présidentielle du 25 février dernier, dont Bola
Tinubu, le candidat du parti au pouvoir, le Congrès des progressistes (APC), a
été proclamé vainqueur selon les résultats officiels, les Nigérians étaient
encore aux urnes pour élire leurs gouverneurs. C’était le 18 mars dernier.
Une élection qui ne manque pas d’intérêt. Non seulement en ce qu’elle devrait
permettre, avec les législatives qui ont déjà enregistré l’arrivée « d’une
diversité de partis politiques au sein du parlement », de redessiner peu ou
prou la carte politique du pays marquée par la domination de l’APC au pouvoir
et du principal parti de l’opposition, le PDP (parti démocratique du peuple).
Mais aussi au regard de l’importance de la fonction de gouverneur dans ce pays
le plus peuplé d’Afrique. En effet, ces représentants du pouvoir central au
niveau fédéral, en plus de gérer des budgets colossaux dépassant parfois ceux
de plusieurs pays africains, jouissent de pouvoirs et d’une réputation qui en
font des hommes super puissants au Nigeria.
Les résultats des « gouvernorales » de samedi dernier ont créé des
tensions et des violences par endroits
Cela dit, au terme des
législatives et des sénatoriales, la tendance qui se dégage est que le parti au
pouvoir a une fois de plus réussi à tirer son épingle du jeu en préservant la
majorité au parlement et au Sénat. Concernant l’élection des gouverneurs,
plusieurs résultats lui sont déjà favorables dans une dizaine d’Etats comme
ceux d’Ogun, de Kwara, de Jigawa, de Gombe, de Yobe, de Nasara, de Katsina, de
Sokoto et de Lagos. Mais le PDP, le
principal parti d’opposition, ne lui tient pas moins la dragée haute en ayant
réussi à mettre dans son escarcelle, des Etats comme ceux de Bauchi, d’Oyo,
d’Akwa Ibom au moment où le New Nigeria Peoples Party (NNPP) se positionnait à
Kano qui est le poumon économique du Nord et la deuxième région la plus peuplée
du pays. Toujours est-il que le dépouillement n’est pas encore terminé. Mais
autant les résultats de la présidentielle ont fait l’objet de vives
contestations par les principaux partis de l’opposition qui les ont rejetés
avant même la fin de leur compilation, autant ceux des « gouvernorales » de
samedi dernier qui, en plus du millier de représentants des Assemblées locales,
devaient élire 28 des 36 gouverneurs, ont créé des tensions et des violences
par endroits, comme à Lagos par exemple, au regard des enjeux. Le moins que
l’on puisse dire, c’est que les élections se suivent et se ressemblent au
Nigeria par la récurrence des violences qui les caractérisent sur fond de
contestations, de suspicions de fraudes et de dénonciations de défaillances
techniques qui ont pour effet de jeter le discrédit sur la commission
électorale qui a encore bien de la peine à mériter la confiance des électeurs.
Un scénario qui n’est pas loin de devenir une triste tradition dans ce géant
pays anglophone d’Afrique de l’Ouest qui se veut la locomotive du continent
africain sur bien des plans.
Le Nigeria doit apprendre à grandir en soignant son image dans
l’organisation des scrutins
Cela est d’autant plus déplorable
que les violences électorales au Nigeria, sont connues pour être parfois très
meurtrières, comme ce fut par exemple le cas en 2011 où elles avaient fait pas
moins de 800 morts dans 12 des 36 Etats que compte la Fédération. C’est dire la
nécessité, pour le Nigeria, de travailler à conjurer le mauvais sort lié aux
violences électorales que le pays semble traîner à ses basques comme un boulet.
Autrement dit, la menace de déflagration sociale qui pèse sur les derniers
scrutins, est à prendre au sérieux. Il faudra donc prendre des dispositions
pour vaincre le signe…nigérian de ces contestations électorales qui ne
respectent pas toujours la forme des moyens légaux de recours en cas de
contentieux électoral. En tout état de cause, ces violences récurrentes sont
d’autant plus symptomatiques des efforts à faire en matière d’organisation des
élections, qu’elles ne sont pas loin de marquer une certaine désaffection chez
les populations nigérianes qui ne se sont pas déplacées massivement aux urnes,
pour la circonstance. Mais le Nigeria ne doit pas donner l’impression de se
complaire dans une situation qui ne l’honore à aucun point de vue. Pour un pays
qui est déjà grand au sens propre du terme, le Nigeria doit apprendre à grandir
aussi au sens figuré du terme en soignant son image dans l’organisation des
scrutins qui sont autant de rendez-vous importants que d’indicateurs de la
crédibilité des institutions nationales dans la consolidation de la démocratie.
C’est à ce prix qu’il rompra avec son image de pays de violences pour se hisser
progressivement au rang des démocraties les plus abouties.