Le premier ministre tient ce
mercredi 14 décembre, face aux conseillers du CNT, la politique générale de son
gouvernement.
Dans son discours de bienvenue au
premier ministre, aux membres du gouvernement et aux nombreux invités, Dr Dansa
Kourouma a indiqué que la date du 14 décembre 2022 « ouvre une page décisive de
l’histoire de l’application responsable et de la mise en œuvre éclairée de la
Charte de la Transition ».
Nous vous proposons ci-dessous,
l’intégralité du discours du président du CNT, Dr Dansa Kourouma.
DISCOURS DU PRESIDENT DU CNT A
L’OCCASION DE LA DECLARATION DE POLITIQUE GENERALE DU PREMIER MINISTRE, CHEF DE
GOUVERNEMENT DEVANT LES CONSEILLERS NATIONAUX
Conakry, le 14 Décembre 2022
Monsieur le Premier Ministre ;
Honorables Conseillers nationaux
;
Mesdames et messieurs les membres
du gouvernement ;
Distingués invités.
Cette date du 14 Décembre 2022
ouvre une page décisive de l’histoire de l’application responsable et de la
mise en œuvre éclairée de la Charte de la Transition. En effet, la Charte, en
répartissant les rôles et missions des organes de la transition, d’une part, en
son article 52, prescrit au Premier ministre la charge d’élaborer et de
soumettre au Président de la Transition « le plan d’action de la feuille de
route du Gouvernement de transition » et indique, d’autre part, en son article
57, que parmi les missions du Conseil National de la Transition figure celle «
de suivre la mise en œuvre de la feuille de route de la Transition ».
Si, de manière expresse, la
Charte n’impose pas au Premier Ministre l’obligation de prononcer devant le CNT
un discours politique, par lequel il expose les grandes orientations de son
plan d’actions de la feuille de route du Gouvernement de transition, cependant,
elle prévoit explicitement que le suivi de la mise en œuvre de cette feuille de
route est une des missions fondamentales du CNT.
Je voudrais noter que vous avez
fait, Monsieur le Premier Ministre, une lecture différenciée, correcte et
positive des dispositions de cette Charte, en vous engageant à nouer et à
jamais affaiblir ou rompre le fil du dialogue avec l’organe parlementaire de la
transition, afin que, bâtissant des compromis ambitieux, sans compromission sur
les valeurs essentielles de la transition, l’Exécutif et le Législatif,
ensemble, dans une communion synergique, cherchent et construisent des
solutions concrètes aux défis et aux problèmes qui impactent la vie des
populations.
Honorables Conseillers nationaux
Une déclaration de politique
générale est un moment de vérité, de partage solidaire des diverses contraintes
auxquelles notre Nation fait face quotidiennement.
C’est pourquoi, tous les membres
du CNT se joignent à moi, pour vous exprimer une très chaleureuse bienvenue, en
cette circonstance solennelle d’une tradition toute républicaine.
En vous adressant aux Conseillers
nationaux, vous parlez à la nation guinéenne tout entière, pour lui exposer la
réalité de notre pays, de ses craintes, de ses espoirs et de ses perspectives ;
d’où le sens de l’action du président de la Transition, depuis le 5 septembre
2021. Telle est notre mission collective, car à l’occasion de toutes les
consultations, de toutes les rencontres, au sommet desquels les assises
nationales, les populations des villes, villages et campagnes, les guinéennes
et guinéens de l’étranger se sont clairement exprimés.
Tous nous demandant d’agir,
d’agir autrement et de faire toujours mieux.
Par leur message, ils nous
demandent d’assumer, séparément et collectivement, nos responsabilités, de
répondre courageusement et objectivement à l’écho de la division, des tensions
sociales et des conflits et divergences politiques, signes d’une démocratie
morbide, du désespoir de la jeunesse, de la perte de confiance des citoyens
dans la capacité de l’Etat et des élites à améliorer les conditions de vie et à
poser les bases du progrès et du développement durable.
Ensemble, nous répondrons à cette
demande pressante d’action.
Monsieur le Premier Ministre,
En vous traduisant le message de
cordialité et de bienvenue, les Conseillers nationaux souhaitent que vous
demeuriez assuré, que l’organe parlementaire de la transition, auquel vous
allez vous adresser tout à l’heure, repose la collégialité sur les quatre
importantes choses que sont : l’écoute, l’action, la volonté de dépassement et
les résultats. Elles sont génitrices d’un dialogue citoyen, inclusif, permanent
et constructif.
Les Conseillers nationaux prêts à
entendre les grandes orientations et actions de votre programme ou feuille de
route, les principales réformes et mesures qu’elle contient, les différentes
voies que vous entendez emprunter et qui forment la trame de votre plan
d’actions, convaincus que nous en partageons les objectifs et les valeurs.
Vos récentes démarches, pour
organiser et rationnaliser les assises nationales, témoignent de votre indéniable
volition à associer toutes les forces vives du pays, au dialogue renouvelé,
visant à inclure toutes les composantes de la Nation, à n’en exclure aucune,
afin qu’elles partagent aussi bien les opportunités que les contraintes.
N’est-ce pas le sens de la
refondation voulue par le président de la Transition, Chef de l’Etat, Chef
suprême des Armées le Colonel Mamadi DOUMBOUYA ?
Dans ce sens, avant d’entendre
votre déclaration, nous saluons les efforts de réduction du déficit public à un
niveau soutenable, la création et la consolidation des conditions d’une
croissance forte et durable, capable de créer des emplois, de poser les
fondations d’une rapide émergence, résultant des réformes nécessaires et
idoines, des mesures efficientes de bonne gestion et de lutte à outrance contre
la pauvreté la corruption et toutes les formes de fraudes.
Nous sommes certains, après
l’exercice du débat d’orientation budgétaire, après l’examen de la loi de
finances rectificative, les diverses discussions avec les ministères sectoriels
à l’occasion de l’adoption de nombreuses lois ordinaires et lois de
ratification des accords de prêts, que la loi de finances, en cours d’examen,
renforcera l’équilibre de notre budget, auquel le Chef de l’Etat se montre très
attaché.
Votre initiative de vous
présenter devant le CNT est l’expression sincère d’une volonté patriotique de
soutenir l’objectif du Président de la transition, Chef de l’Etat, de bâtir
l’Etat de droit et fonder la République de l’égalité ontologique des citoyens,
se traduisant par l’engagement de briser les inégalités de destins et de
permettre à chacun de choisir librement son avenir.
Pour atteindre cet objectif, nous
devons agir ensemble, en inscrivant au premier rang de nos priorités l’école et
la jeunesse, et adapter notre action aux situations locales et aux besoins des
élèves et de l’environnement social et économique.
L’égalité réelle, nous la
construirons dans le dialogue avec toutes les parties prenantes, entre la femme
et l’homme, en gardant à l’esprit que chaque discrimination est une
humiliation, une blessure, une forme de violence.
Dans ce sens, la subséquence de l’égalité
des chances est la réalisation de la cohésion nationale et le renforcement de
notre sécurité collective.
Au sujet de la sécurité, la loi
de programmation militaire, les multiples formations des membres des forces de
défenses et de sécurité, la récente méthode de recrutement, renforcent la
confiance des citoyens dans nos forces de l’ordre, pour lesquelles le CNT a le
plus grand respect.
Le gouvernement s’efforce
visiblement à doter le pays d’une gendarmerie, d’une police républicaine et de
sapeurs-pompiers alertes dans les zones urbaines, périurbaines et rurales.
Monsieur le Premier Ministre,
Le grand plaisir de votre
constante visite en ce lieu, par dessus tout, celui que procure la cérémonie
qui rassemble maintenant, m’amène à rappeler que Monsieur le Président du CNRD
imprime une dynamique louable à l’exécution ponctuelle de la loi de
programmation militaire, par la modernisation de nos infrastructures militaires
et sécuritaires, par un renouvellement massif des équipements, en même temps
qu’il lance de grands programmes d’avenir.
Les défis de la Transition sont
nombreux. Ils englobent l’insécurité du quotidien, caractérisée par les
violences basées sur le genre, par la cyberdélinquance, par les trafics de
toutes natures, la multiplicité et la fréquence effrénée des crimes organisés
et transfrontalières et par le terrorisme tentaculaire.
Face à cela, Monsieur le Premier
Ministre, le CNT vous propose de penser à une loi de programmation pour la
Justice, prévoyant le comblement du ratio 1 magistrat pour 10 000 habitants, 2
greffiers pour 1 magistrat et des personnels de justice supplémentaires, afin
que soit réalisée une justice plus proche et humaine et que soient réduits ou
respectés les délais de procédure, permettant aux juges de se concentrer sur leurs
missions fondamentales.
A cela doit impérativement
s’ajouter l’édification d’infrastructures judiciaires et pénitentiaires
respectueuses de nos lois, de la dignité humaine et des droits de l’homme.
L’article préliminaire de notre
Code de procédure pénale pose, en termes éloquents et catégoriques, le principe
sacrosaint selon lequel la liberté est la règle, la restriction et les
privations de liberté sont l’exception. Ce principe, figurant dans les articles
12 et 13 de la Charte de la Transition et dans les instruments juridiques
internationaux des Nations-Unies, de l’Union Africaine et de la CEDEAO, est
fréquemment violé. Son respect et son application dans les procédures
judiciaires est un critère d’attractivité de notre pays.
L’article 51 de la Charte vous
fait obligation d’y veiller ardemment et le CNT vous y exhorte.
Monsieur le Premier Ministre,
A l’issue des séances de
questions-réponses avec les Ministres de l’Education, il a été mis en lumière
que l’avenir de la jeunesse passe par un enseignement technique et
professionnel et par un enseignement supérieur adaptés, soutenu par un
programme de recherche disposant de moyens à la hauteur de nos ambitions
d’émergence et de développement durable.
L’université et la formation
technique et professionnelle sont une chance précieuse pour la République de
Guinée. Elles modèlent et aiguisent les esprits. Elles assurent la transmission
et le progrès des sciences et technologies dans tous les domaines et sous tous
les aspects de la connaissance.
Elles devront donc être au cœur
de l’action gouvernementale, en vue d’améliorer les conditions de vie et
d’étude de la jeunesse.
Il est, dès lors, impératif de
renforcer l’égalité d’accès et de réussite de la jeune fille et du jeune
garçon, en particulier dans le cycle universitaire et de la formation
professionnelle et simplifier le système de l’ensemble des bourses, avec un
accent sur la spécialisation.
C’est l’occasion de saluer
l’initiative récente d’investissement dans les sites universitaires et les
organismes de recherche et d’exhorter à la continuité de la revalorisation et
de la simplification du métier de chercheur et au renforcement de
l’attractivité des métiers.
Monsieur le Premier Ministre,
L’adoption au cours de ce mois de
décembre de la loi relative à la fonction publique locale est une avancée
formidable dans la mise en œuvre de la décentralisation, dans la construction
d’une forte relation fonctionnelle avec les communes, fondée sur l’efficacité,
le dialogue et l’action, donnant plus de poids aux élus locaux, plus de
lisibilité dans leurs compétences, plus de cohérence dans leur action et leurs
complémentarités indispensables.
Cette loi donne aux
fonctionnaires des collectivités locaux les moyens adéquats de leur action et
élargit le périmètre de la modernisation de l’État guinéen.
Monsieur le Premier Ministre,
Le souci des populations et de
Monsieur le Président de la transition, Chef de l’Etat, au profit de la
sécurité alimentaire, amène le CNT à vous suggérer d’envisager l’élaboration
d’une loi d’orientation et d’avenir pour l’agriculture. L’objectif est de faire
émerger une nouvelle génération d’agriculteurs et d’accorder un soutien plus
intense à l’adaptation de l’agriculture aux exigences de la sécurité
alimentaire, de la protection sanitaire et au changement climatique.
Honorables Conseillers nationaux
L’audition du discours de
Monsieur le Premier ministre, Chef de gouvernement aujourd’hui, apportera, sans
nul doute, la confirmation des idées et opinions dites et répétées par les
membres du CNT, lors des différents travaux tant en commissions qu’en plénière.
Nous sommes quasi unanimes que la
transition se doit, à travers une vision partagée et un consensus national, de
produire des réformes audacieuses, nécessaires à l’édification d’un État
résilient, démocratique, fort économiquement et uni dans sa diversité sociale,
culturelle et régionale.
Sans vouloir donner une leçon,
les membres du CNT sont majoritairement convaincus, qu’à l’exemple d’un édifice
architectural, bâtir est d’abord convenir d’un plan, sur le modèle du Programme
de Reference Intérimaire (PRI), et de stratégies, à l’effet de mobiliser des
ressources humaines, matérielles et financières suffisantes, en vue de
consolider un soubassement, fortement ébranlé par des secousses socio
politiques et des agressions temporelles. Cette fondation rénovée doit d’être
puissamment solide et inaltérablement résistant à l’usure du temps et des
agressions intempestives des hommes politiques, grâce à une méthodologie ou une
technique rénovée ou adaptée à la modernité et à la pérennité.
Avec un tel soubassement refondé,
il devient possible d’élever des murs d’une durabilité pérenne, composés de
briques moulées avec des matériaux de bonne qualité et un professionnalisme
éprouvé. Naturellement, le moule choisi sera dimensionné, en tenant compte des
caractéristiques diverses des différentes régions, préfectures et collectivités
locales.
L’élévation sera réalisée
conformément au plan et l’ouvrage demeurera jointé, délicatement et
indestructiblement, par l’unité, par la concorde et la tolérance, engendrées
par le dialogue permanent.
Les institutions démocratiques,
imparablement érigées, constitueront les poutres et les piliers, qui
supporteront inébranlablement la charpente et la toiture répondant, avec
efficience et économie, aux demandes sociales et aux aspirations populaires.
L’ouvrage, symbolisant la nation
plurielle guinéenne et les compartiments internes, que sont les régions et
collectivités, nous protègent contre les effets de toutes les intempéries et
les inclémences de la vie. Il apaise nos tensions, afin que nous y vivions une
obligeante convivialité, de siècle en siècle et de génération en générations.
Chemin faisant, nous en réalisons
progressivement l’extension, en fonction de la démographie et des exigences
sociales, politiques et économiques internes et externes.
Honorables Conseillers nationaux
;
Distingués invités ;
Je suis convaincu que
l’inclination de Monsieur le Premier Ministre à s’investir, avec courage et
constance, pour l’édification d’un dialogue de renforcement de l’unité
nationale, permet de présager, avec certitude, l’ouverture d’une nouvelle page
de la transition que le CNT, le Gouvernement et toutes les forces vives de la
Nation, en accord avec la CEDEAO, vont s’engager résolument à écrire ensemble.
Veuille Dieu oindre de sa
magnificence toutes vos actions en faveur d’une transition réussie et
irréversible.
Que Dieu bénisse la Guinée et les
guinéens.
Je vous remercie pour votre
aimable attention.